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Le 5 juillet 2024, l'éditeur Polaris de Stockholm vient de me donner son feu vert. Il s'agit de Häng City de Mikael Yvesand que je traduis provisoirement par Cité en suspens / En suspens dans la ville. Comme pour mes quatre premiers romans traduits en français depuis le suédois, je ne le lis pas à l'avance. Je réécris à la main sur mon PC de chaque chapitre 10 à 15 lignes et ensuite je les traduis, puis je recommence. Ainsi je n'ai aucune idée préconçue, pas de préjugé, aucun choix préalable qui pourraient influer sur ma traduction ou même la déformer ou la polluer. Je ne sais pas où je vais, la route est belle. Il y aura peut-être de nouveau sur tout le parcours des oies sauvages qui vont se lever à mon passage, m'accompagner sur 4 ou 5 kilomètres en faisant furieusement des rondes au-dessus de ma tête. Jusqu'au Cap Nord les oies m'avaient toujours prouvé qu'elles étaient les seuls êtres qui savent me jauger et me gratifier pour ce que je suis.
Le 21 décembre 2024, après avoir repris mon rythme de croisière, suite à mes deux mois d'expédition gutnique de 2513 km de cet automne, septembre octobre, à vélo biomécanique, j'apporte un correctif à partir de la page 76 du roman Häng City de Mickael Yvesand. Comme je ne lis jamais les romans avant que je ne les traduise, mon esprit évolue et se développe avec la plume de l'auteur. C'est merveilleux. On a le droit d'exister. On se donne le droit d'exister, en parole, en pensée et en action. On se donne le droit d'être visité par des mots, et de penser chacun d'eux dans leur singularité et dans l'unité de chaque phrase, dans l'entité de chaque phrase dans le contexte immédiat, de chaque phrase dans le contexte rapproché et de chaque phrase dans le contexte lointain, éloigné qui est depuis une source une projection d'ombre et aussi une avancée de lumière.
Ainsi, à partir d'aujourd'hui je pense que la traduction la plus appropriée du titre du roman de Mickael Yvesand pourrait mieux être Cité Crochet, en accord avec Häng City. Reste à voir ce qui est en suspens, voire suspendu ou accroché. Ou peut-être en arrêt sur image? C'est palpitant de découvrir un roman au fur et à mesure qu'on le traduit, c'est comme aller au Nordkapp à vélo depuis Trelleborg sur 2865 km. Nordkapp existe, a existé avant moi, existera après moi, mais ce Nordkapp-ci est ce que j'en ai fait. La route est longue, mais elle est aussi large. De même pour le flux du roman. Ce Nordkapp est mien. Un vécu y est suspendu, mais reste tout autant en suspens, et ne cesse de devenir. Un vécu que personne ne peut me voler, que personne n'a à envier, ni à détester, que ça plaise ou non.
Ce dont j'ai aussi conscience, le français écrit est plus musical, plus aérien, plus joli que le suédois écrit. Les phrases suédoises sont des serpentins à rallonge pas très élégants dans lesquelles il y des suites de "subordonnées" sans conjonctions de subordination ni locutions conjonctives, comme si deux ou plusieurs phrases distinctes se trouvaient dans le même wagon. Ainsi, les phrases peuvent être longues tout en n'ayant pas de virgule à l'intérieur pour les rythmer. Le parler suédois remue alors très agréablement ce ménage (hormis tout au sud de la Suède où l'accent est horriblement danois et criard). Les nordiques sont d'accord pour dire que le suédois chante comme une langue méridionale. C'est vrai, chaque mot à plus d'une syllabe a deux accent toniques, le second étant un peu moins appuyé. On dit des Suédois qu'ils chantent comme des rossignols, de sjunger som näktergalar. En recopiant avec mon clavier chaque phrase, je la parle, et elle occupe l'espace. En fait, en parlant, les Suédois donnent tout le temps du rythme aux phrases qui n'en ont jamais. Il est alors étonnant de constater comme une prosodie réveille une langue. Ici, je ne vous parle pas de langage. Le suédois écrit se situe entre le chthonien et le pélagique. Et quand on est allé deux fois à vélo jusqu'au Nordkapp, on sait dans son sang ce que c'est que la divagation située exactement entre mer et relief, lumière et ombre, sans oublier tangentielles et brisures. Le suédois écrit est une langue intellectuelle, il faut placer soi-même les virgules qui à l'oral se décollent et inventent l'écho. La participation du lecteur est sui-generis et sans pardon. Deux exemples ci-dessous qui montre aussi que les phrases suédoises sont plus courte que les phrases française, et qu'on n'utilise pas en suédois le subjonctif présent "à tort et à travers" comme en français avec un souhait, une volonté, une obligation, un ordre, une émotion, une opinion à la forme négative, un doute, une possibilité, une nécessité, etc. En suédois on va à l'essentiel, en français on en rajoute... beaucoup.
page 139: Fastän det nu är tredje gången vi pratar vågar jag inte fråga varför.
Bien que ce soit la troisième fois que nous parlons, je n'ose pas demander pourquoi.
page 190: När jag lämnat utrymmet har jag insyn i sovrummet vi tidigare försökt se in.
Lorsque j'ai quitté l'espace, je pouvais voir dans la chambre à coucher dans laquelle nous avions précédemment essayé de regarder.