Aujourd'hui j'ai fait 98 km.
Normalement il me reste un peu moins de 100 km avant Trelleborg et c'est la fin de mon expédition nordique à vélo.
L'accent suédois du sud ressemble à une lente plainte maniérée.
En
11 jours le jour a perdu 8 heures. Ma descente dans le sud est plus
fatalement une descente dans la nuit et dans le bruit. Hier, avec le
brouillage sonore des allemands dans le camping j'ai compris ma chance
d'avoir su apprécier le silence nordique. En effet, sans les paroles
bruyantes des autres qui comme les allemands démontrent qu'ils existent
et qu'ils sont là, dans le nord, le cerveau des uns n'est pas sollicité
par les galimatias des autres. C'est comme quand on rentre dans les
toalet. On n'est pas obligé de se demander si la Wunderschüssel a gardé
les traces du précédent. Les suédois de plus quittent le siège des
soulagements en fermant le couvercle. Et c'est toujours propre. Le
nordique sait se rendre insonore et inodore pour le plus grand confort
de tous. C'est comme dans les supermarchés, il n'y a jamais de musique.
Quand un enfant rit un peu fort le parent fait doucement un "chut". Ceci
n'est pas de l'austérité mais de la chaleur humaine.
A vélo, au sortir d'un virage, j'ai souvent fait des "ôôôhh" à haute voix en découvrant un nouvel aspect du paysage, qui pour un cycliste de grands chemins, ne s'offre qu'à lui.
Ce n'est pas ramener le paysage à son égocentrisme, mais c'est vivre son hédonisme cosmique. C'est pourquoi la nudité du cycliste est si importante.