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6. janvier 2025

Jag kan inte lämna Luleå kvar - Je ne peux laisser derrière moi Luleå - "Häng City" av Mikael Yvesand - ma 5ème traduction d'un roman suédois

Finalisation du 19 février 2025  |   Ce post contient 8 liens internes et externes   -   Optimisé écran 21/9 et affichage taille réelle sans zoom sous Firefox

Le 5 juillet 2024, l'éditeur Polaris de Stockholm vient de me donner son feu vert. Il s'agit de Häng City de Mikael Yvesand que je traduis provisoirement par Cité en suspens / En suspens dans la ville. Comme pour mes quatre premiers romans traduits en français depuis le suédois, je ne le lis pas à l'avance. Je réécris à la main sur mon PC de chaque chapitre 10 à 15 lignes et ensuite je les traduis, puis je recommence. Ainsi je n'ai aucune idée préconçue, pas de préjugé, aucun choix préalable qui pourraient influer sur ma traduction ou même la déformer ou la polluer. Je ne sais pas où je vais, la route est belle. Il y aura peut-être de nouveau sur tout le parcours des oies sauvages qui vont se lever à mon passage, m'accompagner sur 4 ou 5 kilomètres en faisant furieusement des rondes au-dessus de ma tête. Jusqu'au Cap Nord les oies m'avaient toujours prouvé qu'elles étaient les seuls êtres qui savent me jauger et me gratifier pour ce que je suis.

Le 21 décembre 2024, après avoir repris mon rythme de croisière, suite à mes deux mois d'expédition gutnique de 2513 km de cet automne, septembre octobre, à vélo biomécanique sur les îles suédoises de Öland et de Gotland, j'apporte un correctif à partir de la page 76 du roman Häng City de Mickael Yvesand. Comme je ne lis jamais les romans avant que je ne les traduise, mon esprit évolue et se développe avec la plume de l'auteur. C'est merveilleux. On a le droit d'exister. On se donne le droit d'exister, en parole, en pensée et en action. On se donne le droit d'être visité par des mots, et de penser chacun d'eux dans leur singularité et dans l'unité de chaque phrase, dans l'entité de chaque phrase dans le contexte immédiat, de chaque phrase dans le contexte rapproché et de chaque phrase dans le contexte lointain, éloigné qui est depuis une source une projection d'ombre et aussi une avancée de lumière.

Ainsi, à partir d'aujourd'hui je pense que la traduction la plus appropriée du titre du roman de Mickael Yvesand pourrait mieux être Cité Crochet, en accord avec Häng City. Reste à voir ce qui est en suspens, voire suspendu ou accroché. Ou peut-être en arrêt sur image? C'est palpitant de découvrir un roman au fur et à mesure qu'on le traduit, c'est comme aller au Nordkapp à vélo depuis Trelleborg sur 2865 km. Nordkapp existe, a existé avant moi, existera après moi, mais ce Nordkapp-ci est ce que j'en ai fait. La route est longue, mais elle est aussi large. De même pour le flux du roman. Ce Nordkapp est mien. Un vécu y est suspendu, mais reste tout autant en suspens, et ne cesse de devenir. Un vécu que personne ne peut me voler, que personne n'a à envier, ni à détester, que ça plaise ou non.

Ce dont j'ai aussi conscience, le français écrit est plus musical, plus aérien, plus joli que le suédois écrit. Les phrases suédoises sont des serpentins à rallonge pas très élégants dans lesquelles il y des suites de "subordonnées" sans conjonctions de subordination ni locutions conjonctives, comme si deux ou plusieurs phrases distinctes se trouvaient dans le même wagon. Ainsi, les phrases peuvent être longues tout en n'ayant pas de virgule à l'intérieur pour les rythmer. Le parler suédois remue alors très agréablement ce ménage (hormis tout au sud de la Suède où l'accent est horriblement danois et criard). Les nordiques sont d'accord pour dire que le suédois chante comme une langue méridionale. C'est vrai, chaque mot à plus d'une syllabe a deux accents toniques, le second étant un peu moins appuyé. On dit des Suédois qu'ils chantent comme des rossignols, de sjunger som näktergalar. En recopiant avec mon clavier chaque phrase, je la parle, et elle occupe l'espace. En fait, en parlant, les Suédois donnent tout le temps du rythme aux phrases qui n'en ont jamais à l'écrit. Il est alors étonnant de constater comme une prosodie réveille une langue. Ici, je ne vous parle pas de langage. Le suédois écrit se situe entre le chthonien et le pélagique. Et quand on est allé deux fois à vélo jusqu'au Nordkapp, on sait dans son sang ce que c'est que la divagation située exactement entre mer et relief, lumière et ombre, sans oublier tangentielles et brisures. Le suédois écrit est une langue intellectuelle, il faut placer soi-même mentalement les virgules qui à l'oral se décollent et inventent l'écho. La participation du lecteur est sui-generis et sans pardon. Deux exemples ci-dessous qui montrent aussi que les phrases suédoises sont plus courtes que les phrases françaises, et qu'on n'utilise pas en suédois le subjonctif présent "à tort et à travers" comme en français avec un souhait, une volonté, une obligation, un ordre, une émotion, une opinion à la forme négative, un doute, une possibilité, une nécessité, etc. En suédois on va à l'essentiel, en français on en rajoute... beaucoup.
     page 139: Fastän det nu är tredje gången vi pratar vågar jag inte fråga varför.
                    Bien que ce soit la troisième fois que nous parlons, je n'ose pas demander pourquoi.
     page 190: När jag lämnat utrymmet har jag insyn i sovrummet vi tidigare försökt se in.
                   
Lorsque j'ai quitté l'espace, je pouvais avoir une vue d'ensemble dans la chambre à coucher dans laquelle nous avions précédemment essayé de regarder.

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Début de publication du reportage le 6 juillet 2024    |   Luleå exerce sur moi une attraction que je suis incapable de contenir. J'y étais à vélo lors de ma 2ème conquête du Cap Nord en 2016, j'y suis retourné avec le roman Återvändaren de Anders Sundkvist à l'été 2023, et j'y reviens en cet été 2024 avec cette 5ème traduction que j'entreprends aujourd'hui. Ici aussi, le centre de gravité se trouve à Luleå, une ville tout au nord du Golfe de Botnie en face de la Finlande et que j'avais atteinte en seulement... 20 jours depuis Trelleborg à l'extrême sud de la Suède, du 6 au 26 juillet 2016 après ~~ 1600 km.

Du 6 février au 28 juin 2024, j'ai fait 4319 kilomètres - les 1043 derniers de nouveau avec le bio-vélo - après avoir terminé ma 4ème traduction. Maintenant je me remets à mon bureau et j'ai le mur en face et une toute petite lithographie signée, datée de 1928, en noir & blanc, sur un papier jauni, intitulée "Vårdag", Jour de printemps, qui montre un grand corps de ferme incomparablement suédois où l'on voit des arbres, mais encore sans feuilles. L'herbe non plus n'a pas encore poussé, mais le titre est Vårdag. C'est à celui qui la regarde de s'inspirer du printemps. Je l'ai ramenée l'année dernière de Fårö. En septentrion il ne viendrait à personne d'appeler un tableau Printemps alors que les arbres sont dégarnis et que la végétation n'est pas encore apparue. Mais dans les pays nordiques le schéma indiciaire est différent, et le positionnement de soi face à l'alentour est approfondi, ce qui est pour nous intériorisé est dans le Nord un dialogue. En septentrion nous sommes trop imbéciles pour entendre d'où viennent les ondes.

Et il est passionnant de se sentir, en tant que traducteur, entonné par un langage, visité par un autre esprit, esprit auquel on ne se soumet pas, mais en face duquel on s'interroge jusqu'à se surprendre, jusqu'à pleurer parfois. Pour moi, ceci représente chaque fois 1000 heures de travail par roman d'environ 300 pages, trois mois intensifiés, et ceci n'est strictement pas différent de ce qui m'était arrivé à chaque fois que je suis parti seul, à vélo à traction animale, pour aller conquérir les Îles Lofoten/Vesterålen, plusieurs fois le Alta Platået jusqu'à Skaidi, plusieurs fois la Laponie, ou deux fois le Cap Nord au bout du continent européen, tout en sachant qu'au Cap Nord il n'y a rien à voir, rien d'autre qu'un littoral de presque 300 mètres de haut qui surplombe l'Océan Arctique glacial à bâbord et la Mer de Barents à tribord. Rien d'autre qu'un rendez-vous avec un bout, avec soi. Ne sommes-nous pas juste un bout de tunnel, un bout de lumière, dans notre chaine d'arpenteur de notre espace de vie qui ne sait demeurer que dans son inconnu? De ces rendez-vous avec soi, on en pratique dans sa vie des millions, mais un tel rdvz au Cap Nord, en venant à vélo depuis septentrion tout en sachant qu'il n'y a rien ni personne pour vous saluer, ni pour vous donner du pain, ni pour vous tendre la main, est une tirade de courage, comme nulle part ailleurs l'existence peut vous en procurer. Le 28 juillet 2016 après plus de 1600 kilomètres en 20 jours j'avais écrit >>> Et ci-dessous, regardez les belles ombres, et pourtant il est 12h20. C'est pourquoi j'aime le nord, il y a toujours une ombre de soi, on ne marche pas dessus, on ne piétine pas, on est en même temps soi et son ombre. Et puisqu'il y a ombre de soi, de nous, il n'y a pas hégémonie de l'être. L'être n'est qu'un élément de l'alentour. En ayant écrit ceci le 28 juillet 2016, j'ai comme l'impression que j'ai été dans une mouvance tout autant télépathique que prémonitoire avec le roman Häng City - Cité en suspens que je commence en ce jour du 6 juillet 2024, 8 ans plus tard, à traduire. Je vous invite à lire en entier mon post de ce 28 juillet 2016. Tout au long de ma traduction qui m'offre maintenant un voyage de 3 mois, de 1000 heures de travail, nous verrons, si, comme il semble que je le pressente en ayant juste lu à l'arrière du roman le résumé, Mikael Yvesand se meut, lui aussi, juste entre les franges de l'humain que personne ne considère.

Kära Katarina,
     Det är märkligt, men jag måste få berätta för dig om en dröm jag hade. Jag slår upp ögonen. Det känns som att det är sent, men ändå ljust ute. Jag reser mig ur sängen och går ut på gräsmattan. Det är alldeles tyst ute. Inga bilar, inga människor. På grannens tomt ser jag plötsligt tre schimpanser. De håller på att vända på bråte som ligger utspritt på gräsmattan. Hävstänger, kilar och trugstycken. De försöker sätta samman delarna men har ingen ritning och ingen finmotorik. Av någon anledning går jag fram och börjar hjälpa dem. Tillsammans lyckas vi få delarna att passa ihop. Undan för undan tar en konstruktion form. Till slut står den klar på gräsmattan, men jag förstår inte själv vad det är jag hjälpt dem bygga. Det ser ut som en gigantisk blåsbälg kopplad till ett slags orgel. En av aporna tar tag i ena skalmen och hänger sig från den så att luften börjar vibrera. Då hör jag musik, tusentals trumpeter från himlen. Det låter vackert, men samtidigt fruktansvärt, som slutet på allting. Aporna blir galna, börjar visa tänderna och slå i marken. Jag förstår då: jag har hjälpt dem bygga ett instrument ämnat att kalla på någon och fylls plötsligt av fasa och ånger – vad har vi gjort? Aporna fortsätter skrika i extas. De vet att de förstör sig själva, men det är det enda de kan göra. Jag själv står kvar och förstår inte varför jag hjälpte dem. Det kändes som att det var meningen, som att det var en film som skulle utspela sig på ett visst sätt. Plötsligt slår en blixt ner i huset vi står vid. Aporna faller ner på knä i en halvcirkel vända mot huset. Jag gör likadant, utan att förstå varför. Det är som en teaterpjäs. Jag ligger så med ansiktet ner i gräset och försöker vara tyst. Trots att jag blundar så ser jag hur det mörknar.
     Vad kan allt det här betyda?
     Krama från mamma

Chère Katarina,
     C'est étrange, mais je dois te raconter un rêve que j'ai fait. J'ouvre les yeux. J'ai l'impression qu'il est tard, mais que dehors il fait encore jour. Je sors du lit et je vais sur la pelouse. C'est très calme à l'extérieur. Pas de voitures, pas de gens. Soudain, je vois trois chimpanzés dans la cour du voisin. Ils sont en train de retourner sur la pelouse les gravats éparpillés. Ils soulèvent des barres de levage, des goupilles et des morceaux d'auges. Ils essaient d'assembler les pièces, mais ils n'ont pas de plan et sont dépourvus de toute dextérité. Pour une raison que j'ignore, je me suis approché et j'ai commencé à les aider. Ensemble, nous parvenons à assembler les éléments. Petit à petit, la structure prend forme. Enfin, elle est prête sur la pelouse, mais je ne comprends pas moi-même ce que je les ai aidés à construire. On dirait un soufflet géant relié à une sorte d'orgue. L'un des singes saisit l'une des montures et s'y suspend pour faire vibrer l'air. J'entends alors de la musique, des milliers de trompettes venant du ciel. Le son est magnifique, mais en même temps terrible, comme si c’était la fin de tout. Les singes deviennent fous, commencent à montrer les dents et à frapper le sol. Je réalise que je les ai aidés à construire un instrument pour invoquer quelqu'un et je suis soudain rempli d'horreur et de regrets: qu'avons-nous fait? Les singes continuent à hurler comme pour exprimer de l'extase. Ils savent qu'ils se détruisent, mais c'est tout ce qu'ils peuvent faire. Moi-même, je ne comprends pas pourquoi je les ai aidés. J'avais l'impression que c'était fait pour durer, que c'était un film qui devait se dérouler d'une certaine manière. Soudain, un éclair frappe la maison près de laquelle nous nous trouvons. Les singes s'agenouillent en demi-cercle face à la maison. Je fais de même, sans comprendre pourquoi. C'est comme une pièce de théâtre. Je m'allonge à plat ventre dans l'herbe et j'essaie de ne pas faire de bruit. J'ai beau fermer les yeux, je vois qu'il fait de plus en plus sombre.
     Qu'est-ce que tout cela peut bien vouloir signifier?
     Câlins de maman

Jag går in i köket och vittjar en askkopp i jakt på en lång fimp men råkar spilla ut innehållet över köksgolvet. Ett fimpluktande åskmoln uppstår och upphör. Detta fordrar sanering. Polisen kanske kommer hit. Jag sliter fram dammsugaren ur städskåpet, drar radiokontakten ur väggen och ersätter en väderrapport med dammsugaren tomma skrik. Några sekunder efter att jag försäkrat mig om att all aska är borta inser jag att det finns en risk att nån myndighet begär ut dammsugarpåsen och dess innehåll. Ja, och vad fan ska jag göra då? Jag öppnar dammsugaren, kopplar loss den räfflade plastslangen och börjar fiska ut fimpar med fingrarna. En vag känsla gör sig påmind. En lukt, eller egentligen en kombination av flera lukter. Damm, elektricitet och obördig jord. Bortglömda fingervantar. Det är inte så mycket en lukt som en känsla i näsan. Den ondskefulla versionen av doften av en kallsup. När jag var sju, åtta år lärde nån mig att man kunde lägga en nålmagnet i en fryspåse och sedan dra den genom sandlådan och på så sätt samla på sig de korn av metall som fanns i sanden. Det svindlade att det fanns en mörk, gömd värld i den gamla vanliga kommunsandlådan på Höstvägen, där man förbrukat så många dagar. En känsla av fara. Asbest mitt i florsockret. Doften från dammsugarpåsen spelar upp denna bild för mitt inre. Är det lukten av smuts i sin renaste from? Grundämnet orenhet. Jag spolar ner fimparna i toaletten. Alla utom en som är lång nog att tända utan att elda upp luggen. Den sparar jag i strumplinningen innan jag öppnar ytterdörren och kliver ut i solen. Pupillerna krymper och den vita överexponerade himlen får detaljer. Grannarna mitt emot försöker förankra en fladdrande duk på plastbordet med hjälp av två flaskor Herrljunga päroncider. Solen har gått i moln, men det är tjugo grader lätt. Nåt faller omkull i hallen, en poltergeists sista ansträngning att hålla mig kvar. Med skateboarden i handen tänker jag på vad jag ska göra av apelsinen i magfickan, mitt nuvarande problem i livet. Jag sätter mig på skateboarden, tar fimpen från strumplinningen, tänder och åker assrace nerför backen.

Je vais dans la cuisine et je surprends le cendrier en chasse d'un long mégot, mais j’en renverse accidentellement le contenu sur le sol de la cuisine. Un nuage puant le mégot s’en élève et disparaît. Cela nécessite une décontamination. La police pourrait venir ici. Je sors l'aspirateur du placard, débranche la radio et remplace un bulletin météo par les cris sans formes de l'aspirateur. Quelques secondes après m'être assuré que toutes les cendres ont disparu, je réalise qu'il y a un risque qu'une autorité quelconque réclame le sac de l'aspirateur et son contenu. Et alors, qu'est-ce que je suis foutu censé faire? J'ouvre l'aspirateur, je débranche le tuyau en plastique côtelé et je commence à retirer les mégots de cigarettes avec mes doigts. Une sensation floue me vient à l'esprit. Une odeur, ou plutôt un mélange d'odeurs. Poussière, électricité et terre stérile. De gants à crispins oubliés. Ce n'est pas tant une odeur qu'une sensation dans le nez. La version maléfique d’un relent comme si j’avais bu la tasse. Quand j'avais sept ou huit ans, quelqu'un m'avait appris qu'on pouvait mettre une pointe aimantée dans un sac de congélation et la traîner dans le bac à sable en ramassant les grains de métal qui s'y trouvaient. C'était vertigineux de penser qu'il y avait un monde sombre et caché dans un ordinaire et vieux bac à sable de la commune sur le Höstvägen, où l'on avait passé tant de jours. Un sentiment de danger. De l'amiante au milieu du sucre glace. L'odeur du sac de l'aspirateur fait surgir cette image en mon moi intérieur. Est-ce l'odeur de la saleté à l'état pur? L'élément ultime de l’impureté. Je jette les mégots dans la cuvette des toilettes. Tous sauf un, qui est assez long pour être rallumé sans se brûler les pattes. Je le garde dans la doublure de ma chaussette avant d'ouvrir la porte d'entrée et de m'exposer au soleil. Les pupilles se rétrécissent et le ciel blanc surexposé met en avant les détails. Les voisins d'en face tentent de fixer sur la table en plastique une nappe battante au vent à l'aide de deux bouteilles de cidre Herrljunga de poire. Le soleil s'est enfoncé dans les nuages, mais il fait vingt degrés. Quelque chose se renverse dans l'entrée, un ultime effort d'un poltergeist pour m'empêcher de continuer. Le skateboard à la main, je réfléchis à ce que je vais faire de l'orange qui se trouve dans la poche devant mon estomac, mon problème existentiel du moment. Je monte sur le skateboard, je saisis le mégot dans la doublure de ma chaussette, je l'allume et dévale à fond de train la colline.

Det är varmt. Jag drar av mig huvtröjan och klämmer fast byltet ovanpå skateboarden på pakethållaren. I rörelsen rullar apelsinen ur fickan och dunsar stumt i asfalten. Hur blir man av med en apelsin? Detta måste få ett slut. Jag beslutar mig för att det enda sättet är att gräva ner den i sandlådan här bredvid, kanske den blir ett träd en dag. Jag sätter mig på huk vid klätterställningen och börjar skyffla undan den solvarma sanden. Händerna blir grådammiga och matta som sammet. Det luktar dammsugarpåsen igen. Utbrunnet proppskåp. Efter några nävtag asbest blir sanden sval och mörk. Det är nånting obehagligt med att lyfta på saker på sommaren. Man måste vara försiktig, inte snoka för mycket. Undvika att gå för långt ut i det oklippta gräset bakom skjulen eller gräva för djupt i sandlådan. I sedimenten finns liket från ett overallklätt barn, försvunnet och bortglömt sedan vintern 1993. Runt knuten bakom garaget: en mänsklig lunga fylld av pissmyror.

Il fait chaud. J'enlève mon sweat à hoodie et je serre sur le porte-bagages avec des tendeurs élastiques le ballot posé sur le skateboard. Ce faisant, l'orange sort de ma poche et s'écrase avec un bruit mat sur l'asphalte. Comment se débarrasser d'une orange? Il faut que cela cesse. Je décide que la seule solution est de l'enterrer dans le bac à sable d'à côté, peut-être deviendra-t-elle un arbre, un jour. Je m'accroupis près de la structure d'escalade et je commence à enlever le sable chauffé par le soleil. Mes mains sont grises et ternes comme du velours. Ça sent encore le sac de l'aspirateur. Boîte à fusibles grillés. Après avoir pris quelques poignées d'asbeste, le sable devient frais et sombre. Il y a quelque chose de désagréable à soulever des objets en été. Il faut faire attention à ne pas fouiner de trop. Eviter d'aller trop loin dans l'herbe non coupée derrière les hangars ou de creuser trop profondément dans le bac à sable. Dans le sédiment, le cadavre d'un enfant vêtu d'une salopette, perdu et oublié depuis l'hiver 1993. Au coin de la rue, derrière le garage: un poumon humain rempli de fourmis rouge.

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(…) både Thomas och Åsa har under våren och sommaren noterat flera oförklarligheter i hemmet. Dörrar de låst på kvällen har på morgonen stått olåsta och myggnät har tagits bort från fönstren. Ett fönster ut till altanen har Thomas bytt ut efter att ha upptäckt ett litet cirkulärt hål i höjd med låsanordningen. Thomas har inte längre kvar den gamla fönsterrutan men uppger att hålet var ca 4-5 millimeter i diameter. Under påsklovsveckan 1999 ringde telefonen flera gånger. Thomas svarade själv ca 5 gånger men personen i andra änden lade alltid på. Telefonen ringde även dagtid då Thomas och Åsas dotter, Hanna, var ensam hemma. Först i efterhand har Thomas insett att samtalen kan ha ringts av samma person. Varken Thomas eller Åsa lade ihop händelserna eller såg vid tidpunkten någon anledning till oro. Thomas vill också lämna uppgift om en händelse i början av juni, då Hanna kommit in i föräldrarnas sovrum och frågat om Thomas nyss varit utomhus. Thomas so sovit sedan flera timmar svarade nej och frågade varför hon undrat detta. Hanna svarade att hon sett an silhuett utanför sitt fönster. Thomas trodde att Hanna hade misstagit sig på vajande kvistar eller liknande och tänkte inte mer på saken utan somnade om. Kort därefter väcktes Thomas återigen, då av sin femårige son, Jonathan, som sa att det var en gubbe med jord i ansiktet upp och ner i hans fönster. Thomas kontrollerade Jonathans rum och gick sen ett varv runt hela huset med en ficklampa men såg ingenting. Nu när Thomas har läst om händelsen med familjen på Hertsön undrar han om dessa iakttagelser kan vara av relevans för polisens mordutredare.

(...) Thomas et Åsa ont tous deux remarqué plusieurs choses inexpliquées dans la maison au cours du printemps et de l'été. Des portes qu'ils fermaient le soir étaient déverrouillées le matin et des moustiquaires ont été enlevées des fenêtres. Thomas a remplacé une fenêtre donnant sur la terrasse après avoir découvert un petit trou circulaire au niveau du dispositif de verrouillage. Thomas n'a plus l'ancien cadre de la vitre mais précise que le trou avait un diamètre d'environ 4 à 5 millimètres. Pendant les vacances de Pâques 1999, le téléphone a sonné plusieurs fois. Thomas a répondu environ 5 fois lui-même, mais la personne à l'autre bout du fil a toujours raccroché. Le téléphone avait également sonné pendant la journée, lorsque la fille de Thomas et Åsa, Hanna, était seule à la maison. Ce n'est qu'après coup que Thomas s'était rendu compte que les appels avaient peut-être été passés par la même personne. A l'époque, ni Thomas ni Åsa n'ont fait le rapprochement ou n'ont vu de raison de s'inquiéter. Thomas souhaite également signaler un incident survenu au début du mois de juin, lorsque Hanna est entrée dans la chambre de ses parents et a demandé si Thomas venait de sortir. Thomas, qui dormait depuis plusieurs heures, avait répondu par la négative et demandé pourquoi elle se posait cette question. Hanna lui avait répondu qu'elle avait vu une silhouette derrière sa fenêtre. Thomas avait pensé qu'Hanna avait confondu les brindilles qui s'agitaient ou quelque chose de semblable, n'y avait plus pensé et s’était rendormi. Peu après, Thomas était à nouveau réveillé, cette fois par son fils Jonathan, âgé de cinq ans, qui lui avait dit qu'il y avait à sa fenêtre un vieil homme à l'envers au visage couvert de terre. Thomas avait vérifié la chambre de Jonathan, puis fait le tour de la maison avec une torche, mais n’avait rien vu. Maintenant que Thomas avait pris connaissance de l'incident survenu dans la famille de Hertsön, il s’était demandé si ces observations ne pourraient pas être utiles à l'enquêteur de la police criminelle.

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”Du var ett förjävla dumt barn.”
     ”Men sen blev jag bra. En gång på skolan så skulle vi skriva vad vi ville bli när vi blev stor. Jag skrev att jag ville bli en tjej eller en dinosaurie, men jag minns att jag ba skrev dinosaurie för å verka macho.”
Det är vindstilla. Davve blåser rökringar. Jag återberättar min farsas historia om när han vann en limpa cigg på ett vad genom att blåsa en rökning genom en annan. De efterföljande minuterna är Davve okontaktbar i sina försök att lyckas med samma bedrift. Vi sitter kvar på den daggfuktiga tjärpappen. När det börjar bli normalt dagsljus ute skingras vi. Jag cyklar hem till Björks i överexponerat dis. Trafikljusen knäpper då de byter färg. Man tänker inte på att de låter eftersom man är aldrig nära dem när allt är tyst. Jag trampar snabbare och känner tårar rita raka streck bak mot tinningarna. Är jag snabb eller ledsen? Jag kommer hem och borstar tänderna i tio minuter för att kompensera för nåt. Karies, eller ett hål i mitt hjärta. Vi inväntar resultaten.

« Tu étais un enfant satanément stupide. »
     « Mais par la suite, je suis devenu bien. Une fois à l'école, nous devions écrire ce que nous voulions être quand nous serions grands. J'ai écrit que je voulais être une fille ou un dinosaure, mais je me souviens que j'ai seulement écrit dinosaure pour avoir l'air macho. »
Il n'y a pas de vent. Davve fait des ronds de fumée. Je raconte à nouveau l'histoire de mon père, qui avait gagné une cartouche de cigarettes lors d'un pari en soufflant une fumée au travers d’une autre. Pendant les quelques minutes qui suivent, Davve est injoignable dans ses tentatives de réaliser le même exploit. Nous restons assis sur le carton bitumé et humide de rosée. Lorsqu'il commence à faire jour, nous nous dispersons. Je rentre à Björks à vélo, dans une brume surexposée. Les feux de signalisation changent de couleur et claquent. On ne se rend pas compte qu'ils font du bruit parce qu'on n'est jamais près d'eux quand tout est calme. Je pédale plus vite et je sens les larmes tracer des lignes droites à l'arrière de mes tempes. Suis-je rapide ou triste? Je rentre à la maison et je me brosse les dents pendant dix minutes pour compenser quelque chose. Une carie, ou un trou dans mon cœur. Nous sommes dans l’attente des résultats.

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Det är sportlov. Femton minus och luften är kristallklar. Sylvassa solkatter glöder i de stenhårda drivorna. Domherrar på nakna björkkvistar. Man vinglar osäkert fram på stelfruset slask och grus som krasar under fötterna. Man går till kiosken och köper en enda krispig Banana Skid för en krona, bara för att nåt ska hända. Man skalar bort pappret utanför dörrarna med solen i ögonen. Man fryser om fingrarna och det ryker, inte ångar, när man andas. Banana Skiden, spröd som glas, splittras i perfekta skävor mellan tänderna. Man börjar gå hemåt. Dagarna går. Man har sorg, men med tiden kommer våren. Det blir påsklov. Man får nya skor, men inget tillfälle att bära dem.  Man går ut med soporna för tredje gången samma dag, bara för att få bära de nya skorna och en jacka som ännu är för tunn. Framme vid soprummet sträcker man ner handen i fickan för att ta upp nyckeln och överraskas av en Banana Skid man köpt och förträngt. Det droppar från en glasklar istapp under stuprännan. En plusgrad, kanske två. Kråkorna och deras trasiga livsstil har ersatts av småfåglar som piper hängande i en förbrukad talgbolls gröna nät. Svart asfalt börjar bryta fram genom hål i den avgasgråa snön. Banana Skiden är hård men något elastisk och går av med rak sårkant då man med vitnande knogar sliter den från sina sammanbitna käkar. På sommaren blir de mjuka och fogliga och kan tänjas till en halv meter. Det är de långsamma dagarnas dekadenta Babana Skid.

Les vacances d’hiver. Moins quinze, l'air transparent comme du cristal. Les jets argentés du soleil, des braises incandescentes dans les congères dures comme de la pierre. Des bouvreuils sur les rameaux de bouleau dénudé. On vacille dans l'incertitude sur la neige fondue gelée et les graviers qui crissent sous les pieds. On va au kiosque acheter pour une couronne un unique Banana Skid qui croustille, histoire que quelque chose se fasse. Le soleil dans les yeux, on écaille le papier, à l'extérieur des portes. On se gèle les doigts, ne respire pas de la vapeur d’eau mais de la fumée. Le Banana Skid, cassant comme du verre, se brise en éclats parfaits entre les dents. On commence à marcher vers la maison. Les jours passent. On traine son chagrin, mais avec le temps c’est le printemps qui arrive. Il y aura les vacances de Pâques. On recevra de nouvelles chaussures, mais sans avoir l'occasion de les porter.  On sortira les poubelles pour la troisième fois le même jour, juste pour porter les nouvelles chaussures et une veste de nouveau devenue trop légère. Près du local à poubelles, on mettra la main à la poche pour prendre la clé et on sera surpris par un Banana Skid que l’on avait acheté et refoulé. Sous la gouttière, il coule des gouttes d’un glaçon cristallin. Un degré au-dessus de 0, peut-être deux. Les corbeaux et leur mode de vie désordonné sont remplacés par de petits oiseaux qui gazouillent, pendus dans le filet vert d'une boule de suif évidée. L'asphalte noir commence à percer des trous dans la neige rendue grise par les pots d'échappement. Le Banana Skid est dur mais quelque peu élastique et se casse d'un coup sec quand on l’arrache des mâchoires serrées avec des phalanges de plus en plus blanches. En été, il devient souple et flexible et peut être étiré jusqu'à un demi-mètre hors de soi. C'est le décadent Babana Skid des jours qui savent prendre leur temps.

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Tanten med kollegieblocket knackade på dörren. Hon frågade nåt, jag minns inte vad, men Kim vägrade svara. Hon insisterade och tog till slut tag i hans överarmar och försökte trycka ner honom i sängen. Kim slet sig, sprang ut i hallen och tog på sig kardborreskorna. Jag följde förvirrat efter. I trapphuset frågade jag honom vem tanten var. Han svarade: ”Följ med så ska berätta vem kärringjäveln är.” Vi gick runt bland lägenhetshusen. Kim frågade om jag gillade ”att lattja”, men jag förstod inte frågan. Han förklarade att lattja var att göra saker man mådde ”psykiskt bra” av. Jag hade aldrig hört ett barn prata om psykisk hälsa, men det var typiskt för Kim. Han sa aldrig att han ogillade nånting, utan att det fick honom att må psykiskt dåligt. För mig var han ett geni. Jag tyckte att konceptet med att lattja lät helt otroligt och svarade att jag alltid brukade lattja. ”Inte jag”, svarade Kim. Jag ångrade att jag hade ljugit. Jag försökte bara svara vad jag trodde att han skulle ha svarat. Snart förstod jag att det var strävan efter lattjandet som var viktigt, inte lattjandet i sig. Vi bliv stående vid en lekställning där gångvägen grenade sig mot mig och tillbaka mot hans lägenhet. Kim började svinga sin nyckelknippa i det gula spiralformade gummisnöret ovanför huvudet och skrek ”rääääääk, rääääääk!” medan han gapskrattade. Jag försökte ta in vad var med om. Plötsligt tystnade han.

La dame avec le carnet à spirale frappait à la porte. Elle demandait quelque chose, je ne sais plus quoi, mais Kim refusait de répondre. Elle insistait, et à la fin l'attrapait par le haut des bras et essayait de le pousser sur le lit. Kim se libérait, courait dans le couloir et enfilait ses chaussures à Velcro. Tout confus, je le suivais. Dans la cage d'escalier, je lui demandais qui était la vieille. Il m'avait répondu : « Viens avec moi et je te dirai qui est cette salope. » Nous nous sommes promenés parmi les immeubles. Kim m'a demandé si j'aimais les « blagues », mais je n'ai pas compris la question. Il m'a expliqué que faire l'imbécile, c'était faire des choses qui font se sentir « bien psychiquement ». Je n'avais jamais entendu un enfant parler de santé psychique, mais c'était typique de Kim. Il n'a jamais dit qu'il n'aimait pas quelque chose, mais que ça le délabrait psychiquement. Pour moi, il était un génie. J'ai trouvé que le concept de blaguer comme un imbécile me paraissait être incroyable et j'ai répondu que j'avais toujours eu l'habitude d’en lâcher une bonne. « Pas moi », a répondu Kim. J'ai regretté d'avoir menti. J'ai simplement essayé de répondre à ce que je pensais qu'il aurait dû répondre. Je me suis vite rendu compte que c'était la quête de la blague qui était importante, et non la blague elle-même. Nous nous sommes arrêtés à un terrain de jeu où l'allée bifurquait vers chez moi et revenait vers son appartement. Kim commençait à faire tournoyer au-dessus de sa tête son trousseau de clés tenu par le cordon spiralé en caoutchouc jaune tout en criant « rääääääk, rääääääk ! » et en hurlant de rire. J'ai essayé de comprendre ce qui le prenait. Soudain, il s'était tu.

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Davve dyker som en vuxen. Jag försöker göra en bakåtvolt men satsar bara halvt och landar på rygg. Jag sprattlar ner mot botten för att undvika kritik. Jocke och Davve suddiga ben vevar omkring vid ytan och jag dyker djupare, stryker botten med fingrarna och knackar naglarna mot kaklet. Ett ensamt klick mitt i all bas. Det trycker för öronen och jag sätter fotsulorna mot botten och skjuter mig upp mot ytan.

Davve plonge comme un adulte. J'essaie de faire un périlleux salto arrière, mais je n’y arrive qu’à moitié et je fais un plat sur le dos. Je patauge jusqu’au fond pour éviter les moqueries. Les jambes floues de Jocke et Davve se tordent à la surface et je me tortille de plus en plus profondément, j’effleure le fond avec mes doigts, je clapote mes ongles sur le carrelage. Un clic solitaire au milieu de tous les infra-sons. De la pression dans les oreilles. J’appuie la plante de mes pieds sur le fond pour remonter en surface.

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Jag ser upp mot toppen av elmasten och låter blicken vandra neråt, längs sicksackbjälkarna ner till det lättantändliga gräset. Jag nästan hurvas. Att de bara står här, år efter år, pinade av elementen – som trollsländor fastfrusna på väg upp ur marken. Elledningarna försvinner i horisonten. The Power Pylon Corridor. Man undrar var allt tar slut. Troligen inte vid en guldskatt. Kanske i tinningarna på ett rykande kadaver många mil bort. Strömmen flödar och liket rosslar till liv medan en vetenskapsman belyses av åskblixtar. Som ett barn vid en avsmälld förälder uppenbarar sig en riktig trollslända, hovrande ovan det brandfarliga slyet vid elmastens bas. Nån borde utrota de där jävlarna. Naturens skummisar – den enda eldrivna insekten. Ljudlöst sökande ovanför Trolltjärns bråddjup eller övergiven i Örnäsets alkaliska saltöken med en kamera på huvudet. Flyg iväg från mig.

Je lève les yeux vers le sommet du pylône électrique et laisse mon regard se perdre vers le bas, le long des poutres en zigzag, jusqu'à l'herbe sèche qui peut prendre feu à tout moment. J'en ai presque vomi. Qu'ils restent là, année après année, tourmentés par les éléments - comme des libellules aussitôt congelées en sortant de terre. Les lignes électriques disparaissent à l'horizon. The Power Pylon Corridor. On se demande où se termine cette emprise. Probablement pas sur une mine d'or. Peut-être, à des kilomètres de là, dans les tempes d'un cadavre fumant. Le courant transite, le cadavre s'anime tandis qu'un homme de science est illuminé par la foudre qui le frappe. Comme un enfant dont le parent est rejeté, une vraie libellule apparaît, fait un vol stationnaire au-dessus des broussailles dangereusement inflammables au pied du pylône électrique. Quelqu'un devrait exterminer ces bâtards. Les bizarreries de la nature - le seul insecte mu par l'électricité. Cherchant sans bruit au-dessus les précipices de Trolltjärn ou à l'abandon dans le désert de sel alcalin d'Örnäset avec un appareil photo sur la tête. Loin de moi, fille de l’air.

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(page 110)    Första gången jag välte betongklumpen åt sidan genom att vicka på järnstången kan eventuellt varit mitt första möte med mörkret. Fram tills dess trodde jag världen bara var oparfymerad tvål, kex och en filt. Sen fick jag min första instinkt om att balans, jämvikt och växelström inte bara betyder att det finns nåt fint i det fula, det finns också nåt kolsvart i solskenet.
     Det var en solig dag i juli, kanske 1994. Jag minns bara soliga dagar från somrarna i stugan, kanske för att jag gick i ide varje gång jag såg ett moln jag befarade kunde vara åska. SSAB spann klorblekt sockervadd mot den blåa himlen på andra sidan älven, Pantone 2190, a bigger splash. Vinden rasslade björkkronorna. Från stranden hörde man de kalla vågarna skölja över stenarna. Jag gick ner till vattnet, satte mig balanserande på hälarna och silade varm sand genom fingrarna. Intill bryggan växte åkerbär som rubiner upp ur sanden, bland strandråg och skärvor av vita snäckskal. Jag blev snabbt uttråkad och gick tillbaka upp mot stugan i jakt på nya kickar. Där fick jag syn på betongklumpen. Precis som Jocke ställde jag mig på den och började skifta min kroppsvikt, fram och tillbaka, med den heta metallstången i händerna. Betongklumpen dunsade stumt i gräsmattan. Till slut gungade jag så långt att jag tappade balansen och föll framlänges. Järnstången med betongklumpen välte omkull och blev liggande på högkant som en rotvälta. Jag gnuggade bort grönska från knäskålarna och tittade på platsen där den nyss stått.

La première fois que j'ai renversé sur le côté le bloc de béton en faisant basculer la barre de fer a peut-être été ma première rencontre avec l'obscurité. Jusqu'alors, je pensais que le monde se résumait à un savon sans parfum, des biscuits et une couverture. C'est alors que j'ai eu la première impression qu’harmonie, équilibre et courant alternatif ne signifient pas seulement qu'il y a quelque chose de beau dans la laideur, mais aussi qu'il y a quelque chose de noir dans le soleil.
     C'était un jour ensoleillé de juillet, peut-être en 1994. Je ne me souviens des journées ensoleillées que des étés passés au chalet, peut-être parce que j’entrais en hibernation chaque fois que je voyais un nuage dont je craignais qu'il ne soit le présage du tonnerre. De l'autre côté du fleuve, l’aciérie SSAB faisait tourner contre le ciel bleu une barbe à papa blanchie au chlore, Pantone 2190, a bigger splash. Le vent secouait les couronnes des bouleaux. Depuis la rive, on entendait les vagues froides se briser sur les rochers. Je suis descendu dans l'eau, je me suis assis sur mes talons, en équilibre, et j'ai filtré du sable chaud entre mes doigts. À côté du ponton poussaient des Mûres arctiques comme des rubis sur du sable, parmi le Seigle de mer et les éclats de coquillages blancs. Je me suis vite lassé et je suis remonté vers le chalet à la recherche de nouveaux kicks. C'est là que j'ai repéré le bloc de béton. Exactement comme Jocke, je suis monté dessus et j'ai commencé à déplacer tout le poids de mon corps, d'avant en arrière, en appui sur la barre de métal chaud avec mes mains. Le bloc de béton s'était mis à cogner bêtement sur la pelouse. Finalement, je me suis tellement balancé que j'en ai perdu l'équilibre et je suis tombé en avant à plat ventre. La barre de fer et le morceau de béton ont basculé et sont restés couchés, le côté rétréci vers le haut, comme le chablis d'un arbre renversé. J'ai enlevé les herbes qui collaient à mes rotules et j'ai regardé l'endroit où le bloc était posé juste avant.

En mörk, nästan svart, perfekt fyrkant i det gröna gräset. Jord och dött gräs pressat under en osynlig glasskiva. Vita rötter, blodådror på ett djur från djuphavet som aldrig var ämnat att se dagsljus. Jag gick närmare och såg vita prickar, pärlsocker, och ett vagt rödglimmande skimmer. Hukad vid fyrkanten såg jag vad skimret och pärlsockret var. Myror, och deras ägg. I små pärlor av var väntade deras hemska barn på att födas in i mörkret, in i gemenskapen gömd under jorden, årstid efter årstid, intill förväxling lik ensamhet. De rusade över varandra i panisk brådska att gömma äggen undan den hemska solen. Jag kunde nästan höra dem.
     I det svaga klickandet, som rice krispies i mjölk, tänkte jag på en vikarie vi haft precis före skolavslutningen. Han var ung, opedagogisk och berättade att om man skulle börja krympa till en myras storlek, desto mörkare och suddigare skulle ens synintryck bli, det hade nåt att göra med hur ögat tar upp ljus – jag var liten och lyssnade inte så noga, men minnet återkom till mig medan jag stirrade på pissmyrorna i gräset. Det var vidriga, men jag ömmade för dem. Det fanns inga fina dagar i myrornas lågupplösta liv där de kravlade runt i solskenet men för evigt i mörkret, fast i mitten av ett svart hål iförda läsglasögon med fel slipning. Ensamma tillsammans. Jag reste tillbaka metallstången så at betongfundamentet åter blev ett lock över portalen till myrornas hemliga dödsrike och gick tillbaka till stranden.

Un quadrilatère parfait, sombre, presque noir, dans cette herbe verte. De la terre et de l'herbe morte pressées sous une plaque de verre invisible. Des racines blanches, les veines d'un animal des abysses pélagiques qui n'aurait jamais dû voir la lumière du jour. Je me suis approché et j'ai vu des points blancs, du sucre perlé et une vague lueur rouge. Accroupi près du carré, j'ai vu ce qu'étaient le scintillement et le sucre perlé. Des fourmis, et leurs œufs. Dans de petites perles de lueur, leurs lugubres enfants attendaient de naître dans l'obscurité, sous la terre, dans la communauté occultée, saison après saison, jusqu'à ce que la confusion égale la solitude. Elles se précipitaient les unes sur les autres entre hâte et panique pour cacher les œufs de l’épouvantable soleil. Je pouvais presque les entendre.
     Dans le faible friselis strident, comme des rice krispies dans le lait, j'ai pensé à un professeur remplaçant que nous avions eu juste avant la fin de l'année scolaire. Il était jeune, dépourvu d’aptitude pédagogique et disait que si on commençait à se rétrécir à la taille d'une fourmi, notre perception visuelle deviendrait plus assombrie et plus floutée, et cela avait quelque chose à voir avec la façon dont l'œil absorbe la lumière - j'étais petit et je n'avais pas écouté très attentivement, mais le souvenir m'était revenu alors que je fixais dans l’herbe les fourmis rouges. Elles étaient dégoûtantes, mais j'avais pitié d'elles. Il n'y a pas de beaux jours dans la vie à basse résolution des fourmis, qui se traînent en rond au soleil mais restent à jamais dans l'obscurité, coincées au centre d'un trou noir, portant des lunettes de lecture à mauvaise correction. Seules, ensemble. J'ai remonté la barre métallique pour que la fondation en béton redevienne un couvercle sur le portail menant au royaume secret de la mort des fourmis et je suis retourné sur la plage.

Först nu såg jag vad åkerbären och snäckskärvorna egentligen var: hjärnsubstans och fragment av ett kranium i sanden. Sedan den dagen visste ja att onyanserat ljus inte existerade. En solig dag, en bländvit flaggstång avtecknad mot en klarblå himmel, det nyklippta gräset – därefter såg jag på dem med vördnad, för runt hörnet, bakom skjulen, där man inte klippte gräset, låg ett lik och svällde i solen. Överallt finns det nåt äckligt, bara man gräver i sanden eller lyfter på en sten.

Ce n'est que maintenant que j'ai compris ce qu'étaient réellement les Mûres arctiques et les éclats de coquillages: de la substance cérébrale et des fragments de crâne dans le sable. Depuis ce jour, je sais qu'il n'existe a pas de lumière sans nuance. Une journée ensoleillée, un mât de drapeau d'un blanc éclatant se détachant devant un ciel bleu clair, l'herbe fraîchement coupée - après cela, je les regardais avec admiration, parce qu'au coin de la rue, derrière les hangars, là où l'herbe n'était pas coupée, gisait une dépouille mortelle, gonflée par le soleil. Il y a quelque chose de dégoûtant partout, il suffit de creuser dans le sable ou de soulever une pierre.    ------------------------------------

(page 129)      Det tar sin tid. Solen står lite lägre, men det är inte kväll ännu. Vi måste vänta tills hela Lövskär sover men det är svårt att få tiden att gå. Älven börjar stillna. Jocke försvinner och kommer tillbaka med nya vedträn och en tidning. Av cirka tjugo vedträn staplar han ett Stonehenge i flera våningar.
     ”Nu blir det bråk.”

Cela prend son temps. Le soleil est un peu plus bas, mais ce n'est pas encore le soir. Nous devons attendre que tout Lövskär soit endormi, mais il est difficile de faire passer le temps. Le fleuve commence à être calme. Jocke disparaît et revient avec de nouvelles bûches et un journal. Sur à peu près une vingtaine de bûches, il empile un Stonehenge à plusieurs étages.
     « Maintenant, ça va flinguer. »

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    Jessi sträcker sig efter ryggsäcken hon i vredesmod nyss slängt iväg och tar upp en Lapin Kulta. Hon knäpper upp ölen som skummar över, tar en klunk och håller fram burken till mig. Jag försöker ta emot den som om jag i mitt liv mottagit många Lapin Kulta. Den är värmare än min hand. Jag tar en klunk men kan inte svälja innan jag samlat kraft. Efteråt försöker jag se blasé ut medan jag koncentrerar mig på att mota bort en kväljning och min underläpp darrar av anspänningen. Jessitar burken ur min hand, halsar med ansiktet mot himlen och andas högt genom näsan som ett sjölejon med smink. Hon drar hakan in mot bröstet och rapar, flera gånger, på varje utandning. Hon skrattar, lite. Jag är rädd för att ta ut några känslor till fullo. Det rimliga här hade nog varit om jag också skrattade men jag vågar bara fnysa och småle. Hon suckar igen, lite mer nyanserat den här gången. En suck som berättar att hon redan hunnit böja blicka framåt. Världen är en hems plats, men vi alla gör vad vi kan för att överleva ännu en dag. Den kanske blir okej till sist.

    Jessi fouille dans le sac à dos qu'elle vient de jeter avec colère et prend une Lapin Kulta. Elle ouvre la bière qui mousse, boit une gorgée et me tend la canette. Je l’accepte en tentant de faire semblant que j’avais déjà pris beaucoup de Lapin Kulta dans ma vie. Elle est plus chaude que ma main. Je bois un schlouk, mais je ne peux pas avaler avant de m'être ressaisi. J'essaie ensuite de prendre un air blasé tout en me concentrant pour réprimer un haut-le-coeur, ma lèvre inférieure tremblant sous l'effort. Jessie m'arrache des mains la canette, elle se dévisse la nuque en tournant le visage vers le ciel, et respire bruyamment par le nez comme une otarie bariolée de maquillage. Elle ramène son menton vers sa poitrine et rote, par saccade, à chaque expiration. Elle rit, un peu. J'ai peur d'extérioriser pleinement mes sentiments. Le plus approprié, ici, aurait sans doute été que je me mette aussi à rire, mais je n'ose que grogner et sourire en coin. Elle soupire à nouveau, cette fois avec un peu plus de nuance. Un soupir qui nous dit qu'elle a déjà eu le temps de se projeter dans l'avenir. Le monde est un endroit terrible, mais nous faisons tous ce que nous pouvons pour survivre un jour de plus. Peut-être que ça finira par devenir okej.     -------------------------------------------------

(page 143)   Vi leder cyklarna hemåt längs Äppelstigen, till Päronstigen. Nu är allt hisnande och elektriskt. Det sprakar och smäller som när man drar telesladden ur en förstärkare på 10. Aldrig är livet som en fredagskväll när man ska på en fest dit man vet att nån man delar en begynnande kemi med också ska. Sladden trycks i och surrandet tystnar. Plötsligt: det gnistrande arpeggiot från ”Det ligger i luften” – introt i stereo, från alla håll med fyrsiffrig bitrate. Tomas Ledin materialiseras och driver in på ett moln bakom sin vita flygel, symmetriskt leende ögon som Vicks blå. Durakord med subtilt reverb – nånting är på gång. Wwåå, det brinner i lufteeeeeeeen. Jag vet inte om det faktiskt är fredag, men det känns så.
     Vi kommer fram till korsningen och ser slutet av Midvinterstigen. Fem polisbilar blockerar båda riktningarna. Vita silhuetter går in och ut ur en husbil klädda som skurkarna i E.T. De har smällt upp tält och hukar sig under blåvit tejp. Det smattrar och piper i walkie-talkies. Rickard Jaakolas farsa står och ser borta ut vid sidlinjen. Vi skyndar oss in på Davves tomt med stöldgodset och lutar cyklarna mot uthuset. Fångade mellan ruset av en annalkande fest och en polisutredning. Varje gång vardagen höjs till toppen så faller golvet under en. Hissen åker uppåt i 190, blåser genom taket i ett glittrande moln av asbest, men blyvikterna i andra änden av vajern sänks lila långt ner i mörkret. Varför är allt inte bara kul hela tiden? Allt jag kräver är ett liv utan minsta prövning eller motgång någonsin.

Nous ramenons les vélos à la maison le long du Chemin Äppel, jusqu'au Chemin Peron. Maintenant, tout est suffocant et électrique. Ça craque et crépite comme quand on arrache le câble d’un amplificateur réglé sur 10. La vie n'est jamais comme un vendredi soir où l'on se rend à une fête où l'on sait que quelqu'un avec qui l'on partage une alchimie en devenir s'y rend également. Le câble est branché et le bourdonnement métallique cesse. Soudain: l'arpeggio étincelant de « C’est dans l’air » - l'intro en stéréo, dans toutes les directions, avec un bitrate à quatre chiffres. Tomas Ledin apparaît hors d’un nuage derrière son piano à queue blanc, les yeux bleus comme du Vicks Vaporub qui sourient dans une parfaite symétrie. Accord majeur avec réverbération subtile - il se passe quelque chose. Wwåå, ça brûle dans l'aiiiiiiiir. Je ne sais pas si on est vraiment vendredi, mais ça y ressemble.
     Nous arrivons au carrefour et voyons la fin du Chemin Midvinter. Cinq voitures de police bloquent le chemin dans les deux sens. Habillées comme les méchants de E.T., des silhouettes blanches montent et descendent d'un camping-car. Elles ont planté des tentes et sont accroupies sous des rubalises bleues et blanches. Des talkies-walkies crépitent et émettent des bips. Le père de Rickard Jaakola reste sur la touche, l'air perdu. Nous nous précipitons dans la propriété de Davve avec les objets volés et nous appuyons les vélos contre le cabanon. Nous sommes pris entre la frénésie d'une fête imminente et l'enquête de police. Chaque fois que la vie quotidienne pointe à des sommets, le sol se dérobe sous nos pieds. L'ascenseur monte en 190, souffle à travers le plafond un nuage scintillant d'amiante, mais les contrepoids de plomb à l'autre bout du câble s'enfoncent dans l'obscurité. Pourquoi tout n'est-il pas toujours amusant? Tout ce que je demande, c'est une vie sans la moindre épreuve ni adversité.

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(page 156)     ”Varför ska fåglar hålla på jämt. Hela tiden ba, ’wä-wä-wä’, så kollar man dit å dom gör inte ens ett skit. Ba sitter och skriker.”
« Pourquoi les oiseaux doivent-ils toujours faire ça? Tout le temps juste 'wä-wä-wä', puis on les regarde et ils ne font même pas quelque chose, même pas une fiente. Ils restent assis et agacent. »
”Fåglarna är som alkisar, som Potatismos. Man ser dom ju aldrig bygga bo eller lägga ägg eller nåt. Dom sitter ju aldrig ba å hänger.”
« Les oiseaux sont comme des poivrots. On ne les voit jamais construire un nid, pondre un œuf ou quoi que ce soit. Ils ne s’assoient jamais et ne restent jamais accrochés. »    ------------------------------------

(page 160)     Jessi reser sig till sittande läge på altanplankorna. Hon vet inte att hon har en mygga i pannan. Det är så pinsamt när en full människa har en mygga i pannan utan att de vet det. När de sitter och pratar med en med halvstängda ögon och andas högt med näsan och så sitter det en mygga i deras ansikte och dricker blod.
Jessi se lève pour s'asseoir sur les planches de la terrasse. Elle ne sait pas qu'elle a un moustique sur le front. C'est tellement gênant quand une personne ivre a un moustique sur le front et qu'elle ne le sait pas. Quand ils sont assis, vous parlent les yeux mi-clos, respirent bruyamment par le nez et qu'il y a un moustique sur leur visage qui boit du sang.

Jessi tar Jockes cykel, jag min. Vi leder dem tillsammans till korsningen. Jag vet inte riktigt hur man säger hej då. Jessi tar ett steg framåt och kramar mig. Våra cyklar tar i varandra. Min hand, blickstilla på hennes rygg. Hon är helt tyst. Blodet pulserar i öronen. Jag har ett svagt minne av samma ljud en gång i min barndom när jag hade feber och tillbringade en hel natt med att rotera i ett lakan.
Jessi prend le vélo de Jocke, je prends le mien. Nous les conduisons ensemble jusqu'au croisement. Je ne sais pas vraiment comment dire hej då. Jessi fait un pas en avant et me serre dans ses bras. Nos vélos se touchent l’un l’autre. Ma main, immobile sur son dos. Elle est complètement silencieuse. Le sang bat dans les oreilles. J'ai un vague souvenir du même bruit, une fois dans mon enfance, lorsque j'avais de la fièvre et que j'avais passé une nuit entière à tourner dans un drap.  -----------------------------

(page 173)     Vi går genom trapphuset och fortsätter tillbaka mot centrum med skateboardarna i handen. Är Ducken död? Jag visste knappt att det gick att dö. Eller, som alla andra hade jag väl accepterat att man kommer torka till pulver och blåsa ut genom fönstret på Sundsgården om sjuttio år. Men inte medan alla andra finns kvar. Känns det förresten konstigare att Ducken är död, eller att han en gång levde? Man tog honom för givet. Ständigt i bakgrunden med Warpskor och pottfrilla. Jag försöker tänka på alla andra statister med ospektakulära familjer i min närhet. Folk kanske försvinner om man inte tänker på dem, om de inte behövs. Som att rensa ut gamla kläder man glömt bort.

Nous traversons la cage d'escalier et retournons vers le centre, skateboard à la main. Ducken est-il mort? Je savais vaguement qu'il était possible de mourir. Ou alors, comme tout le monde, j'avais probablement accepté qu'on s’assèche, se réduise en poudre et qu'on s'envole par la fenêtre de la maison de retraite Sundsgården, dans soixante-dix ans. Mais pas tant que les autres seront encore là. Au fait, est-ce que cela semble plus étrange que Ducken soit mort ou qu'il ait pu avoir été en vie? On le considérait comme faisant partie des meubles. Toujours à l'arrière-plan, sneakers Warp et maniques. J'essaie de penser à toutes les autres potiches de mon entourage dont les familles n'ont strictement rien de spécial. Les gens peuvent disparaître si on ne pense pas à eux, si on n'a pas besoin d'eux. C'est comme évacuer des vieux vêtements que l'on a oubliés.  ------------------------------

(page 177)    Cykelkärran får stå kvar när vi går ut ur skogen igen. Dagis har hunnit stänga och vi hoppar över staketet och sätter oss i gungorna. Den hint av gravljusvördnad vi nyss kände har bytts ut mot en morbid fascination. Ytterdörren till Duckens hus är stängd. Utanpå sitter ett gult laminerat plakat med röda ramar. Två poliser står på altanen och pratar. TV-kamerorna är borta. Jag försöker se om det finns nåt lite mer ondskefullt med just det här huset, men det ser ut som alla andra hus på gatan, på Hertsön, i Luleå. Riktig ondska ser alltid så ohäpnadsväckande ut.

Nous laissons la remorque à vélo derrière nous lorsque nous sortons à nouveau de la forêt. Le jardin d'enfants a fermé ses portes et nous sautons par-dessus la clôture pour nous asseoir dans les balançoires. Le soupçon de respect pour la funèbre veillée aux chandelles que nous venions de vivre a été remplacé par une fascination morbide. La porte d'entrée de la maison de Ducken est fermée. À l'extérieur, il y a une affiche laminée jaune avec des cadres rouges. Deux policiers discutent sur la terrasse. Les caméras de télévision ont disparu. J'essaie de voir si cette maison- là a quelque chose d'un peu plus maléfique, mais elle ressemble à toutes les autres maisons de la rue, de Hertsön, de Luleå. L’atroce a toujours l'air si peu stupéfiant.  -------------------

(page 188)     Jag kan se framför mig hur en sotig vilde stryker omkring i buskaget på natten med en yxa och en hängsnara. Väser genom gula huggtänder och väntar på att få återställa balansen: det var aldrig meningen att ni skulle leva här. Ni fanns aldrig riktigt och ert hem kommer se likadant ut efter att ni har blivit mos på badrumskaklet. Ni tog inget med er in i den här världen, och ni kommer inte att få nåt med er på väg ut.

Je peux voir devant moi un sauvage couvert de suie rôdant dans les buissons dans tous les sens la nuit avec une hache et une corde pour nous accrocher avec un nœud coulant. Soufflant à travers des crocs jaunes, attendant de retrouver l'équilibre: il n’a jamais été question que vous viviez ici. Vous n'avez jamais vraiment existé et votre maison sera la même après que vous ayez été écrasés en bouillie sur le carrelage de la salle de bain. Vous n’avez rien apporté avec vous dans ce monde, et vous n'emporterez rien avec vous en partant. ----------------

(page 194)    Vi gå utmed dungen framför Björkskataskolan där min hamster ligger begravd sedan fem år. Jag tog dödsfallet förvånansvärt väl. Kanske hade jag redan dött inuti vid det laget. Jag grät inte, till skillnad från när min ballong försvann. Den episoden hade härdat mig precis tillräckligt för att hamsters död skulle studsa från mitt bröstben och tillbaka och tillbaka ut över vidderna. Att förlora ballongen kändes som att uppfyllas av känslan sorg, då min hamster dog kände jag mig bara berövad på känslan glädje. Jag minns hur jag lindade in den stela kroppen i toalettpapper. Den vägde ingenting. Som ett fiskskelett täckt med påskdun. Försiktigt la jag kadavret i en tom syltburk och skruvade på locket. Med båda händerna bar jag burken fram till dungen mellan skolan och vår lägenhet. Det var tidig vår och fortfarande tjäle och jag kryssade snabbt mellan de nakna träden. Jag kände ett det fanns en risk att jag skulle halka eller gå in med ansiktet i en kvist men där och då brydde jag mig inte. Det var tomt bakom ögonen. If you go, I go.

Nous marchons le long du bosquet devant l’Ecole de Björkskatan où mon hamster est enterré depuis cinq ans. J'ai remarquablement bien supporté le décès. Peut-être que j'étais déjà mort à l'intérieur à ce moment-là. Je n'ai pas pleuré, contrairement à la disparition de mon ballon. Cet épisode m'avait suffisamment endurci pour que la mort du hamster fasse un ricoché sur mon sternum et se répercute au-delà des étendues lointaines. En perdant le ballon, j'avais eu l'impression d'être rempli de l'émotion de la désolation, alors que lorsque mon hamster était mort, je ne m’étais senti privé que de l'émotion de la joie. Je me souviens d'avoir enveloppé le corps raide dans du papier toilette. Il ne pesait rien. Comme un squelette de poisson recouvert de plumes colorées de décor de Pâques. Avec précaution, j'ai mis le cadavre dans un pot de confiture vide et j'ai vissé le couvercle. J'ai porté le pot à deux mains jusqu'au taillis situé entre l'école et notre appartement. C'était le début du printemps, le sol était encore gelé et j'ai navigué rapidement entre les arbres dénudés. Je sentais qu'il y avait un risque de glisser ou de m’érafler le visage contre une branche, mais à ce moment-là, je m'en fichais. C’était vide derrière mes yeux. If you go, I go. ------------------------

(page 201)     Davve nickar inte ens längre. Jocke fortsätter för egen maskin.
” ’Ja hallå, ja skulle vilja beställa ett konstverk. Du vet jag älskar speciellt sån konst där man ser röven å pattarna å det.’  ”, Jocke kompletterar ett foto av en tant i Karesuando som inte haft el på flera veckor med blått könshår, ”det är säkert därför det var så mycket nakna tjejer på tavlor förr. Alla gubbar hade ju en trave oljemålningar i garaget.”
     Jocke klickar med tummen så snabbt han kan på bläckpennan. ”Hur längre tror ni jag ids göra det här då?” Det smattrar när stiftet åker in och ut i några sekunder tills han tröttnar. ”Äh, kramp i den gamla näven. Fy fan vad tråkigt vi har. Vi far till stan.”

Davve n'acquiesce même plus. De son côté, Jocke continue dans l’élucubration qui lui appartient.
« ‘Oui, bonjour, j’aimerais commander une œuvre d'art. Tu sais que j'aime particulièrement ce genre d'art où l'on voit le cul et les lolos », commente Jocke avec une photo d'une vieille donzelle de Karesuando qui n'avait pas eu d'électricité depuis des semaines et dont les poils du pubis sont tout bleus, « c'est probablement pour cela qu'il y avait dans le passé autant de filles nues dans les huiles. Tous les vieux chnoques avaient au fond du garage un entassement de peintures à l'huile. »
     Jocke clique de son pouce sur le stylo à bille noir aussi vite qu'il le peut. « Combien de temps pensez-vous que je puisse encore continuer à faire ça? » Le stylo rentre et ressort avec un clac sourd pendant quelques secondes, jusqu'à ce qu'il finisse par se lasser. « Hoplà, ma vieille paluche a une crampe. Bon sang, ça nous pèse tout ça. Hop, on va en ville. »  ---------------------------

(page 202)    Vi tar ett varv förbi Hermelinskolan innan vi är tillbaka vid Norra Hamn. Solen glittrar i vattnet som ligger stilla i viken. Jocke öppnar en Pepsiburk han köpte på kiosken. Davve har tänt en cigarett som vi skickar mellan oss. Jocke tar en klunk och tittar på burken.
     ”Undrar när Pepsi uppfanns?”
     Davve tar ett bloss och svarar från ett rökmoln. ”Säkert svinlänge sen.”
     ”Visst var det säkert det. Man tror att allt sånt där är modernt, men Coca-Cola uppfanns ju typ på medeltiden…”

Nous faisons une boucle en passant devant l’Ecole de Hermelin avant d'arriver à l’avant-port nord. Le soleil brille dans l'eau calme du Golfe de Botnie. Jocke ouvre une canette de Pepsi achetée au kiosque. Davve a allumé une cigarette que nous nous passons tour à tour. Jocke boit un schlouk et regarde la canette.
     « Quand Pepsi a-t-il été inventé? »
     Davve tire une bouffée et répond au milieu d’un nuage de fumée. « Je pense, il y a une bonne chiée d’années. »
     « Jôh, hop, raconte-moi pas, c’est sûrement ça, t’as tout juste. On croit que tous ces trucs sont modernes, mais le Coca-Cola a été, genre, inventé au Moyen-Âge... »  ------------------------

('page 202)     Jocke är så inne i sin utläggning att han hamnar utanför ciggrotationen.
     ”Alltid när man ser på tv så här i en fabrik om hur dom gör läsk å sånt där så ba, ’Pepsi uppfanns 1412 när en cow-boy pissade i en hink med äpplen’…  ”
     Davve blåser på glöden för att korrigera den av mig snedrökta cigaretten.
     ” ’Sen sålde han receptet till Hans Pepsi för en åsna’ Visstå? Visst är det så? Fy fan vad trött jag är.”
     Vi lägger oss på rygg på träbänken och tittar upp i himlen. Mina blinkningar går långsammare och långsammare. Jag blundar ett tag.

Jocke est tellement impliqué dans la soutenance de son mémoire qu'il se retrouve éliminé de la giration de la clope entre nous trois.
     « Quand on voit à la téloche une usine qui fabrique des boissons gazeuses on se dit que ‘Pepsi a été inventé en 1412 quand un cow-boy a lâché sa pisse dans un seau de pommes’... ».
     Davve souffle sur la cerise incandescente pour redonner de la gueule à la cigarette sur laquelle j’ai tiré une taffe trop paresseuse.
     « ‘Ensuite il a fourgué la recette de Son Pepsi pour le prix d’un âne' C'est ça? C'est-y pas vrai? Je suis fatigué grave, là. »
     Nous nous allongeons sur le dos sur le banc en bois et regardons le ciel. Les clignements de mes yeux sont de plus en plus ralentis. Je reste les yeux clos un moment.   --------------------

(page 209)    Vi hoppar över trästaketet. Kvällssolen filtreras genom tallarna och ligger som ett leopardmönster på banornas gröna filttyg. Kioskens fönsterluckor är stängda. Här, i sällskap, känner jag mig modig och motståndskraftig. De tomma byggnadernas svarta magi rår inte på mig just nu. Eller är det dödsförakt som gör att jag vågar kika in genom glipan som uppstått där en planka lossnat från fönsterluckan. Man vill i alla fall skrika rakt ut av åsynen. Inomhusmörker. Utanför springer barn runt i vattenspridare i solen, kan man tänka sig, men där inne då. Slutaren har stramats åt till ett nålsöga. Det är knäpptyst, förutom en svagt surrande glassfrys. Plastgolvet. Exakt samma känsla som hemma hos min morbror, sommaren 1994.

Nous sautons par-dessus la clôture en bois. Le soleil du soir filtre à travers les pins et se pose avec un motif léopard sur le gazon synthétique des modules du parcours. Les volets du kiosque sont fermés. Ici, en compagnie d'autres personnes, je me sens courageux et résilient. La magie noire des bâtiments vides ne peut pas m’atteindre en ce moment. Ou bien est-ce le mépris envers la mort qui me fait oser jeter un coup d'œil par l'interstice apparu là où une lame du volet de la fenêtre s'est disloquée. En tout cas, on a envie de se laisser hurler à tout jamais avec cela sous ses yeux. Ténèbres intérieures d’une masure. En dehors, des enfants courent sur la pelouse en plein soleil autour des arroseurs, c’est ce que l’on peut penser, mais là, là-dedans. L’obturateur s’est étranglé en un trou d’épingle. Le silence absolu, à part le faible ronronnement d'un congélateur à glaces. Le sol en plastique. Exactement la même sensation que chez mon oncle, à l’été 1994.  ------------------

(page 226)     Jag har sett ledsna tanter förr, på begravning. Barn blir ledsna för det mesta, som en ballong på väg bort. De är gjorda av maräng som allting kan passera med oförändrad utgångshastighet. Med tiden torkar man. Som gammal krävs det nåt vassare. Nåt som kan forcera bröstkorgen, genom läder, senor och levrat blod för att hitta in till hjärtat – tjutande av missljud och förkrympt till ett tjurögas storlek. Barn är som nyfödda, genomskinliga fiskar. De gamla är som sikar, rökta av livet. För att denna tant ska glömma sin blygsel och stå och råma ut sin sorg över Midvinterstigen måste nåt sylvasst ha träffat henne med armborst från ett skumt här av källaren. Det är på nåt sätt det här jag själv alltid har väntat på; hur plötsligt en dag hjärtat ska implodera under vikten av all smuts det har ackumulerat, eller genomborras av den stora sorgens virknål.

J'ai déjà vu des vieilles tristes, à des enterrements. La plupart des enfants sont tristes, comme un ballon qui s’envole au loin. Leur constitution est celle d’une meringue que tout peut traverser avec une vitesse de sortie inchangée. Avec le temps, on s'assèche. La vieillesse exige quelque chose de plus affuté. Quelque chose qui puisse franchir la poitrine, le cuir, les tendons et le sang fermenté pour atteindre le cœur - hurlant de discorde et réduit à la taille d'un œil de bœuf. Les enfants sont comme des alevins transparents qui naissent. Les vieux sont comme des corégones blancs, torréfiés par la vie. Pour que cette vieille dame oublie sa pudeur et se lève pour crier son chagrin sur le Chemin Midvinter, il faut que quelque chose de tranchant comme un rasoir catapulté par une arbalète depuis un coin d'ombre de la cave l'ait atteinte. D'une certaine manière, c'est ce que j'ai moi-même toujours attendu, qu'un jour le cœur implose sous le poids de toutes les saletés qu'il a accumulées, ou qu'il soit transpercé par l'aiguille à crochet d'un grand chagrin.   -----------------------

(page 232)    Det är vindstilla och ljummet. Vi klär av oss, lägger kläderna vid tältet och går ner till vattnet. Badstranden är på andra sidan av Trolltjärn och vi måste vada genom vass ut i det grumliga vattnet. Trollsländorna hovrar ljudlöst och svänger i onaturligt skarpa vinklar en decimeter ovanför ytan. Vi kastor oss ut i djupet, gör bakåtvolter i slow motion och dyker efter grålera som vi kastar på varandra. Liggande med näsorna ovanför vattnet, slöt paddlande med händerna som alligatorer, hör vi ett illavarslande ljud från stranden på andra sidan. Videovåldgängets omisskännliga skrål. Westman har annekterat Bergnäset. Jag vill skjuta mig i huvudet i en bunker. Vi simmar tillbaka mot land. Avlägsna spruckna röster studsar över vattenytan och tycks viska rakt in i öronen. Jag pressar mina sandtäckta fötter genom byxbenen och hjälper Davve att montera ner tältet vi rullar ihop tillsammans. Fort, fort. Det mögliga tältet lossnar från pakethållaren och släpar längs marken bakom Davves cykel då vi nyss kommit. Skamsna och reducerade till tre rödlätta bebisar i baljor 1988, men nånstans också tacksamma för livet. Det finns inget som är så skrämmande, så akut livshotande, som ett gäng bestående av två till fem unga män i åldrarna fjorton till sjutton vid en svensk sjö en sommarkväll. John Hron-status.

Il n'y a pas de vent et l’air est tiède. Nous nous enlevons nos vêtements, nous les posons près de la tente et descendons dans l'eau. La plage se trouve de l'autre côté de Trolltjärn et nous devons patauger dans l'eau trouble à travers les roseaux. Les libellules font des vols stationnaires, silencieusement, et oscillent dans des angles artificiellement aigus à un décimètre au-dessus de la surface. Nous nous jettons en avant dans les profondeurs, faisons des saltos arrière en slow motion et plongeons pour prendre de l'argile grise que nous nous lançons dessus les uns aux autres. Allongés le nez hors de l'eau, pagayant avec nos mains comme des alligators, nous entendons un bruit mauvaisement annonciateur venant de la plage de l'autre côté. Le cri inimitable d’une vidéo du gang de la violence et de la prédation. Westman a annexé tout Bergnäset. J'ai envie de me tirer une balle dans la tête dans un bunker. Nous nageons jusqu’au rivage. De lointaines voix fêlées font ricochet à la surface de l'eau et semblent chuchoter directement aux oreilles. Je force mes pieds couverts de sable dans les jambes de mon pantalon et j'aide Davve à mettre à plat la tente, et nous l’avons roulée ensemble. Vite, vite. La tente moisie se détache du porte-bagages et se traîne par terre derrière le vélo de Davve, nous venons d'arriver. Honteux et réduits à l’image de trois bébés au visage rougi dans des baquets en 1988, mais, d’une certaine manière, aussi reconnaissants pour la vie. Il n'y a rien d'aussi terrifiant, d'aussi extrêmement dangeureux pour la vie qu'une bande de deux à cinq jeunes hommes âgés de quatorze à dix-sept ans au bord d'un lac suédois un soir d'été. Nous sommes John Hron.   ----------------------

(page 272)   Jag ser ut över trädtopparna. En ensam mås skriker. Den passar inte riktigt in här i skogen, känslan av en mås. Det börjar inte bli kväll, men det slutar vara dag. Vi plockar upp cyklarna och ska precis rulla nerför kullen när Jocke få en idé. Han sätter vänster hand på styret, höger på pakethållaren, tar sats och skjutsar cykeln med full kraft ner för backen. Det studsar ner för det ojämna underlaget i ljusets hastighet. Han plockar snabbt upp kameran och följer cykelns ensamma vansinnesfärd till ett plötsligt slut mot en björkstam. Jocke spolar tillbaka och vi tittar på sekvensen på den utfällda monitorn.
     ”Det blev ju bra action.”
     Jag och Davve sätter oss på våra cyklar, Jocke på Davves pakethållare. Jag håller emot med fotbromsen ner för backen och stannar vid Jockes cykel som ligger manglad i dungen. Framhjulet har blivit hjärtformat och däcket har åkt av. Jocke plockar upp cykeln i ramen, börjar rotera som en diskuskastare och slänger den i en buske.

Je regarde en l’air par-dessus la canopée. Une mouette solitaire pousse ses ricanements rauques. Ça n’a pas vraiment sa place ici, dans la forêt. Ça ne commence pas à être le soir, mais ça finit par être le jour. Nous ramassons les vélos et sommes sur le point de dévaler la colline lorsque Jocke a une idée. Il pose sa main gauche sur le guidon, sa main droite sur le porte-bagages, s'élance et pousse le vélo de toutes ses forces en bas de la colline. Il rebondit sur la surface accidentée à la vitesse de la lumière. Il ramasse rapidement la caméra et suit la folie solitaire du vélo qui s'arrête soudainement contre un tronc de bouleau. Jocke rembobine et nous regardons l’action sur le moniteur qu'il a déplié.
     « Psartek! Excellent plan séquence, le top. »
     Moi et Davve montons sur nos vélos, Jocke sur le porte-bagages de Davve. Je freine avec mes semelles sur le macadam pour descendre la colline et je m'arrête devant le vélo de Jocke, qui s'est fracassé dans le bosquet. La roue avant a pris la forme d'un cœur et le pneu s'est déjanté. Jocke saisit le vélo par le cadre, imite au ralenti le geste de balancement d'un discobole, fait une volte d’un tour et demi et le lance dans un buisson.

(page 273)    Jocke lyfter upp en sten och börjar återigen rotera. Stenen landar med en duns i gräset.”
     ”Tänk om man skulle gå in på en bank med en diskus å ba börja snurra utav helvete, å kräva pengar.” Jocke plockar upp en ny sten, snurrar några varv och slänger den på grusvägen vi kommit fram till.
     ”Det borde ju gå å råna bank med diskus. Man kan ju göra det med en kniv. Ba gå in på Handelsbanken på Storgatan i sån där baddräkt å börja snurra utav ba helvete. Så ligger snuten på hustaken runtomkring å siktar på en med kikarsikte, men man ba fortsätter snurra… tills man lyfter från marken å flyger iväg.”

Jocke ramasse une pierre et recommence à pivoter sur lui-même. La pierre atterrit avec un bruit mat dans l'herbe. »
     « Imaginons qu’on entre dans une banque avec un disque et qu’on se mette à tournoyer comme un diable pour exiger de l'argent. » Jocke ramasse une autre pierre, fait plusieurs voltes sur son axe et la lance sur le chemin de gravier par lequel nous sommes venus.
     « Il devrait être possible de braquer une banque avec un disque. On peut le faire avec un couteau. Entrer dans la Handelsbank de la Storgata dans un de ces maillots de bain une pièce et commencer à tourbillonner comme un diable. Les flics sont sur les toits, pointent leurs jumelles, mais on continue à faire la toupie... jusqu'à ce qu’on décolle du sol et s’envole ».  -----------

(page 276)     Krökta nackar, in på ICA. Jag drar upp t-shirtkragen över hakan och försöker förställa mitt ansikte inför potentiella vittnen. Kisar med ögonen, tittar en millimeter i kors, anlägger ett manuellt överbett. Nervös som en gitarrsträng. Ingen vet hur länge vi kommer att behöva leva i exil i Lövskär. Vi köper tre stora Pepsi, en påse OLW Ranch, vars påse ser ut som en kvällshimmel filtrerad genom SSAB:s bruna dis, en limpa, smör och ett rör Ballerinakex. Som en enhet förflyttar vi oss mellan hyllorna, viker ner med blicken och pratar som om vi är på bibliotek. Axels morsa, Jockes granne, uppenbarar sig vid frysdisken. Jocke tvärvänder 180 grader utan att tappa ett steg. Jag drar instinktivt handen upp mot ansiktet, som om jag levt under en läktare i trettio år, svårt brännskadad av kemikalier, och spelat orgel för råttorna.
     Jag betalar, Jocke öser ner varorna i en plastpåse. Davve väntar vid cyklarna då vi passerar de automatiska dörrarna, ut i den mulna kvällen. Jocke sätter sig på pakethållaren bakom Davve och hjälper till att få upp farten genom att springa från sittande position. Jag står på pedalerna och trampar med vinden i ögonen. Först efter rondellen vågar vi andas. Regndroppar börjar falla på mina bara armar. En kall vind skjutsar oss framåt, över gränsen, med blåljusen i dammet bakom oss. Regnet tilltar. Vass regnspridardimma övergår i feta droppar som slickar t-shirten mot min knotiga torso. Det är väldigt synd om oss, men det kan vi inte kosta på oss att reflektera över nu. Den typen av dekadens kommer senare, när man andas ut i sängen, efter att ha burit den tunga lådan uppför trappen, åkt spark till rinken i trettio minus eller flytt från brandkåren i regnet. Regnet smattrar mot asfalten. Ett par helljus blinkar i den mjölkvita dimman och vi håller ut till höger. En röd Toyota på väg till stan skär genom vattenpölarna som Laponia.

Le cou arqué vers le sol, on débaroule dans le ICA. Je remonte le col de mon t-shirt sur mon menton et tente de dissimuler mon visage à des témoins potentiels. Je plisse les yeux, je louche d'un millième de millimètre, je fonce en me mettant avec la main mon menton en galoche. Nerveux comme une corde de guitare à la limite de la casse. Personne ne sait combien de temps nous devrons vivre en exil à Lövskär. Nous achetons trois grands Pepsi, un lot d'OLW Ranch, dont les sachets ressemblent à un ciel du soir filtré par la brume brune de la centrale sidérurgique SSAB, une miche de pain, du beurre et un rouleau de bredele Ballerina. Nous nous déplaçons en rang serré entre gondoles et présentoirs, nous regardons vers le bas, parlons comme dans une bibliothèque. Un congélateur vertical débusque la mère d'Axel, la voisine de Jocke. Jocke fait une giration à 180° sans manquer pied. Je porte instinctivement la main à mon visage, comme si j'avais vécu trente ans sous une estrade, brûlé par les produits chimiques, jouant de l'orgue pour les rats.
     Je paie, Jocke décharge la marchandise dans un sac en plastique. Davve attend près des vélos lorsque nous franchissons les portes automatiques, sous le ciel assombri de la soirée. Jocke s'assoit sur le porte-bagage derrière Davve et aide à accélérer en pagayant avec ses jambes. Je suis debout sur les pédales et je pédale avec le vent dans les yeux. Ce n'est qu'après le rond-point que nous osons respirer. Des gouttes de pluie commencent à tomber sur mes bras nus. Un vent froid nous pousse en avant, au-delà de la zone à risque, avec dans la poussière les lumières bleues derrière nous. La pluie s'intensifie. Le brouillard d’eau se transforme en grosses gouttes qui cisèlent sous le t-shirt mon torse décharné. C'est vraiment désolant pour nous, mais nous ne pouvons pas nous permettre d'y réfléchir maintenant. Ce genre de décadence vient plus tard, quand on expire dans son lit, après avoir porté la lourde carcasse dans les escaliers, donné des coups de pieds dans la patinoire par moins trente ou échappé aux sapeurs-pompiers sous la pluie. La pluie bat le macadam. Quelques feux de croisement clignotent dans le brouillard blanc laiteux et nous nous rangeons sur la droite. Une Toyota rouge en route pour la ville fend les flaques comme le bateau-mouche de la Laponia. ----------------------

(page 295, 14 pages avant la fin du roman)
      ”Nu är man ju som en riktig grottmänniska.” Han håller upp fiskelinan mot oss.
     ”Få hit!” Davve krokar av abborren från draget, sätter tummarna mot nacken och trycker till.
     Det knastar när Davve vrider nacken av fisken. En fisks död är så plågsamt ickebinär att bevittna. Så utdragen och svår att särskilja från dess liv.  Den sprattlar inte längre, bara darrar. Ögonen fortsätter stirra, som de alltid har gjort, där den ligger i gräset, böjd i en onaturlig vinkel med barr fastklibbade på kroppen. När jag övertygat mig om att dess kippande efter luft är över så sprattlar den plötsligt till igen, gälarna öppnas och stängs, blottar det blodröda köttet som lyser där inne. Davve sticker det rostiga knivbladet rakt genom huvudet och fiskens kropp spänns som av en elchock. Efteråt skär han av huvudet och stjärtfenan med ovärdiga sågrörelser och sprättar upp fiskens mage. Abborren ligger i gräset, uppfläkt och reducerad till en råvara. De dumma ögonen stirrar på den egna skändade kroppen som ligger bredvid. Davve sliter ut inälvorna med knivspetsen och slänger dem in i elden. Kroppen, uppslagen som en bok, lägger han med skinnet ner på en av eldstadens stenar så att det fräser.

     « Maintenant, on est comme un véritable homme des cavernes ». Il tend la canne à pêche vers nous.
     « Fais voir! » Davve décroche la perche du leurre, imprime ses pouces sur la nuque et serre.
     On entend un craquement de cartilage lorsque Davve tord le cou du poisson. Être témoin de la mort d'un poisson est si insupportablement non binaire. Si interminable et si difficile à le séparer de sa vie. Le poisson ne frétille plus, il frémit seulement. Ses yeux continuent de fixer, comme ils l'ont toujours fait, alors qu'il gît dans l'herbe, plié sous un angle impossible, les rayons épineux fermement collés à son corps. Alors que je me suis mis en tête que son pompage est terminé, il reprend soudain vie, ses branchies s'ouvrent et se ferment, dévoilant la chair rouge sang qui luit à l'intérieur. Davve lui plante dans la tête la lame rouillée de son couteau de chef, et le corps du poisson se crispe comme après un électrochoc. Il sectionne ensuite la tête et la nageoire caudale avec des indignes mouvements de scie et ouvre le ventre du poisson. La perche gît dans l'herbe, écorchée et réduite à l'état de matériau. Ses yeux stupides fixent son propre corps profané qui gît à côté. Davve arrache les viscères avec la pointe de sa lame et les jette au feu. Il pose le corps, ouvert comme un livre, la peau en-dessous, sur une des pierres du feu de camp pour que ça grésille. ------------------

 

(page 304)     Hunden står spänd och flämtar med ytliga andetag, utmattad och nervös. Den desperata jakten efter sopor längs östra Luleås cykelvägar har oväntat avbrutits. Vargen tämjdes förvisso av människan, men vissa ändrade sig, insåg att de här jävlarna har ju noll koll – jag måste bort från människobyn nu med detsamma – och lämnade sin alkis bakom sig i smogen. Jag förstår att hunden inte alls tittar på oss, utan genom oss. Den vänder åter huvudet framåt. De tomma emaljögonen har hittat nåt, kanske en död kråka, en skiva plåt för regnet eller nån annan att slita i stycken; hunden försvinner bakom radhuslängorna. Så är det. Man föds, betalar och dör, förvirrad bland garagen.

Le chien, épuisé et nerveux, se tient tendu, souffle avec des respirations superficielles et saccadées. La chasse désespérée aux déchets sur les pistes cyclables de l'est de Luleå a été annulée sans préavis. Le loup a été certes apprivoisé par l'homme, mais certains ont changé, il a réalisé que ces salopards n'ont aucune idée de ce qui se passe - il faut que je m’éloigne sans délai du village habité - et a laissé son alccolique derrière lui dans le smog. Je comprends que le chien ne nous regarde pas, mais qu'il regarde à travers nous. Il tourne à nouveau la tête vers l'avant. Les yeux émaillés et creux ont trouvé quelque chose, peut-être un chocard mort, une plaque de métal que la pluie ou quelqu'un d'autre pourra déchiqueter; le chien disparaît derrière les maisons mitoyennes. C'est comme ça. On naît, on paie et on meurt, perdu au milieu des garages. 

( pix: 13 IX 2024:   Bertil Vallien, Glaskonstnär ~~~ Vidaa museet ~~~ Borgholm - Öland )


Le traducteur arrête ici son reportage      -      Översättaren slutar rapporten här
Le roman se termine à la page 309      -      Romanen avslutas på sidan 309

 

  1. A la fin de son travail, le traducteur a relu en entier 10 fois le roman.

    Le traducteur
      1. écrit d’abord TOUT le roman morceau par morceau d’une 15aine de ligne sur son clavier de PC,
      2. puis il traduit morceau après morceau,
      3. puis il relit le suédois
      4.        et le français,
      5. puis il relit en fin de chaque chapitre tout le chapitre en entier en suédois
      6.    et en français
      7. A la fin de la traduction de tout le roman, le traducteur relit en parallèle en français
      8.     et en suédois tout le roman
      9. et au final le traducteur relit uniquement en français tout le roman en français.
      10. Et après l'envoi à l'éditeur du manuscrit, le traducteur relit une... 10ème fois pour rendre le fichier pdf impeccable.

Au cours de chacune de toutes les 10 lectures, le traducteur fait aussi d'innombrables retours en arrière dans des chapitres précédents, voire jusqu'à la toute 1ère page du roman, parce dans la progression il s'avère que tel ou tel point mérite d'être  / doit être affiné, voire rectifié. D'autant plus que Mikael Yvesand fait aussi souvent référence au détour d'un mot anodin, ou directement, à des apsects culturels suédois ou relevant du champ de vision d'une génération, ici de la jeunesse suédoise des années '90, qui bouge et pense à l'aplomb du Cercle Polaire. Comme dans tous les romans du Nord, lumière et obscurité et toutes leurs infinies variantes qui engendrent des couleurs insoupçonnables sont des déterminants, auxquels nous ne sommes pas du tout sensibles si on habite plus au sud.

 

 

 

1. novembre 2024

Malmö - Turning Torso de Santiago Calatrava

 

196 mètres de haut (la cathédrale de Strasbourg fait 142 mètres). 54 étages, colonne vertébrale porteuse 10,6 mètres de diamètre. 147 appartements. Les 10 premiers étages sont des bureaux.

Inauguré le 27 Août 2005, après quatre années de construction. Il a reçu le MIPIM à l’exposition de la construction à Cannes (France) en 2005 pour la meilleure construction résidentielle dans le monde.

Une construction en béton, verre et aluminium. Chaque bloc est relié à une section centrale, la colonne vertébrale de l'édifice. Celle-ci est une structure triangulaire en béton armé de 10,6 m de diamètre, supportée en partie par un treillis extérieur en métal.

Une forme qui tourne sur elle-même dans le sens des aiguilles d’une montre. L’ensemble est composé de 9 cubes de 6 étages chacun. À l’arrivée, le décalage entre le sol et le bloc le plus haut est de 90°.

Dès que je suis à Malmö sur la cote ouest de la Suède, je vais voir le Turning Torso de l'architecte Santiago Calatrava. Je vous invite à voir mes reportages des années passées >>> Vous y trouverez mes photos de l'extraordinaire et des explications (ctrl + fin et ensuite scroller vers le haut !).

On ne s'en lasse pas. Aujourd'hui c'est la première fois que je la vois la nuit. J'y suis allé en voiture. A cause de l'énorme tempête Jacob j'ai dû ouvrir la porte de ma voiture... avec... mes 2 pieds, et quand j'en suis sorti, j'ai été... flanqué au sol. Il y a eu des rafales à 96 km/h, je me demande ce que les habitants de cette tour on ressenti, puisqu'elle dépasse la cathédrale de Strasbourg de 54 mètres.

8. août 2018

runt det vita tornet av Santiago Calatrava, Malmö - autour de la Tour Blanche

D'après mon podomètre j'ai marché 24,2 km en 3 jours dans Malmö.

Pour les explications sur Santiago Calatrava et le Turning Torso il faut se reporter à mon billet du 22 août 2017.

Que ce soit avec Santiago Calatrava, Gert Windgårdh, Bertil Vallien, Ingmar Bergman, Pär Lagerkvist il est plus facile de passer en Suède d'un monde à l'autre sans se perdre.

Par contre, demain je traverse l'Øresund pour passer par le pont et le tunnel par Köpenhamn / København / Kopenhagen / Copenhague au Danemark, aller à Gedser, prendre le ferry et retourner chez les barbares à partir de Rostock.

En un mois j'ai écrit 105 billets et mis plus de 1200 images en ligne avec mon téléphone. L'année prochaine je refais du vélo et je ne montrerai que des bouleaux et des sapins et de la flotte.

till "Turning Torso" av Santiago Calatrava, spansk arkitekt

Pour les explications sur Santiago Calatrava et le Turning Torso il faut se reporter à mon billet du 22 août 2017.

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6. août 2018

Malmö - World Maritime University by Kim Utzon

Cette World Maritime University qui forme des postgraduates a une extension moderne construite par l'architecte danois Kim Utzon. C'est une agence de l'ONU.

Et toujours pour mes étudiants en Design et Architecture, à l'horizon au centre on voit le Turning Torso, la tour en vrille de Santiago Calatrava.

Demain je vais faire 13 kilomètres à pieds dans Malmö pour voir 3 réalisations de l'architecte suédois Gert Wingårdh. J'avais déjà vu cet été à Umeå et Örnsköldsvik ses bâtiments qui défient le contact au sol ou qui sont "organiques".

22. août 2017

Malmö - Turning Torso de Santiago Calatrava

 

Depuis plus de 20 ans je donne des cours sur l'architecte et le sculpteur  Santiago Calatrava, et depuis 2001 sur son immeuble Turning Torso à Malmö.

C'est la première tour torsadée du monde, elle est inspirée d'une sculpture de l'architecte représentant une homme qui se vrille sur sa droite. Cette tour fait 190 mètres, n'a pas une base énorme, et le sommet a pivoté de 90°. Elle fait 54 étages.

Elle est située dans un nouveau quartier de Malmö, où justement à la différence du Bauhaus, l'humain a sa place commune ou secrète et les appartements ne sont pas non plus, comme le disait et le voulait Le Corbusier, des machines à habiter. Ce quartier a donc gommé les graves erreurs du Modernisme qui font encore rage partout dans l'urbanisme du monde.

De plus ce quartier est écologiquement neutre en énergie.

Dans ce billet je vous donne 21 images du Turning Torso. Dans un autre billet viendront les images de ce nouveau quartier qui est en face de Copenhague.

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Heureusement que j'ai eu hier l'idée d'essayer de visiter Gunilla Lervik. Je n'aurais jamais visité ce quartier de Malmö autrement.