Voilà mon analyse du film de Ruben Östlund que je mets aussi sur mon Travelblog, qui semble tout doucement devenir un Øresundsbron, qui chez moi démarre à Strasbourg.
J'ai été avec mes amis suédois de la Représentation Permanente de la Suède auprès des Communautés Européennes à Strasbourg et de la Cour Européenne de Justice invité à l'avant-première du film suédois The Square qui a obtenu la Palme d'Or 2017 du Festival de Cannes et qui a été suivie d'un débat avec Ruben Östlund, son auteur suédois de Göteborg. Ce film sort en salle le 18 Octobre 2017.
Premièrement j'ai été frappé par le fait qu'avant ce film ont été projetés quatre bandes-annonces de films qui seront aussi bientôt représentés en salle. J'ai été frappé par le fait que ces 4 futurs films traitent tous du rejet de l'autre, à partir du moment où il est noir (Knock) ou qu'il a des parents, encore habitants du Maghreb, ou issus du Maghreb. Apparemment, à la vue des bandes-annonces, heureusement pour ces personnages centraux, et pour le spectateur, ces films se terminent bien ou "correctement" avec leur intégration réussie dans notre société. Tout le monde pourra être content.
Il n'est pas innocent que j'écrive d'abord sur ces 4 bandes-annonces, car le film du suédois Ruben Östlund traite aussi de la déshumanisation de la société, de la perte de la tolérance simplement humaine, de jour en jour, de toi à soi, de lui à nous, et non pas d'une tolérance issue d'un programme politique ou de préceptes venus d'en haut. De nos jours, où le politique semble être chassé, désuet ou oublié, ou prétentieux, nous avons une autre réponse, qui, je l'espère, sera durable.
Pour nos amis du marketing, designers ou impliqués dans l'art, le film est mené par Christian, conservateur de musée, qui doit aussi expliquer aux journalistes l'exposition sur les installations d'un artiste, qui finiront par être simplement balayées et aspirées par l'aspirateur d'un homme de ménage méticuleux, et qui sait, pour sa part, où le monde doit aller.
Mais avant cette perte, Christian - tout en luttant pour la reconstruction de sa personnalité qui semble avoir été perdue avec le vol de quelques uns de ses accessoires de son quotidien qui le désignent et le marquent - laisse passer une action promotionnelle par le canal YouTube sur cette exposition par des managers en communication, jeunes promus des Grandes Écoles de Management, qui savent où il faut faire aller le monde.
Dans ces épisodes, on a juste l'impression que l'on va au Aldi, que l'on y voit s'agiter des gens, que l'on rentre de nouveau chez soi, pour retourner au Aldi, et au final on se sent seul, entourés de ses chers, de ses enfants, de ses passe-temps. Mais on n'est pas seul comme dans un film d'Ingmar Bergman ou dans un poème de Gustaf Fröding ou de Nils Ferlin, où la solitude prend notre moelle dans un silence qui ne trouve pas d'expression ou de sortie avant très très longtemps. On se sent seul avec Ruben Östlund, mais on ne sait pas d'où cette solitude vient, par où elle passe, comment elle se préfigure ou se configure en nous, comment elle pourra ou pourrait nous habiter, et nous refaire bouger parmi les gens.
En sortant du cinéma on a même l'impression que l'on n'a rien vécu, alors que les signes et les mots étaient parfaitement tangibles et abordables, on ne sait même pas si l'on va utiliser ce que l'on a appris avec Ruben Östlund. A-t-on appris quelque chose?
Ruben Östlund, a lui-même un présentiel simple, élégant, intéressant, souple, n'est pas idéologue ou ecclésiastique, ne veut pas faire la leçon. Il apporte, comme il nous l'a dit, des vécus de son enfance qu'il met en place sur une simple ligne de destinée. Ruben Östlund, comme il nous l'a dit, est très conscient du "contrat" qu'il a avec son spectateur, et il en joue, simplement, sans tricher. Ruben Östlund est clair, et cette clarté est si haute, que nous croyons être des gens simples et normaux, des gens "corrects", mais je pense vraiment que nous nous apercevrons une fois, plus profondément, que notre correction n'existe pas, même si par intelligence nous le savons très bien, et que l'on s'en balance.
Je crois aussi qu'au travers de l'image et de la scène, Ruben Östlund nous apporte le mot, pour nous montrer que nous avons à le comprendre afin que, sans un détour par une révolution ou une crise économique ou migratoire, nous sachions l'utiliser pour nous parler et surtout pour réorganiser notre vie ensemble.
Rüben Östlund montre du mot. L'utilisation de divers registres est aussi notre passage quotidien du Aldi, au lit, au bureau, devant le patron, ou quand on a décidé de s'élever en allant au concert ou en ne donnant pas une pièce au mendiant.
Comme d'habitude, j'ai créé un nano-site >>> http://www.hotchkiss.eu/OEstlund/index.html
ps: Pour ma part, comme j'apprends le suédois depuis 4 ans, j'ai été déçu, mais juste par l'accent de l'acteur qui représente Christian. Il est danois, et au Danemark, le scandinave est parlé comme si l'on avait du marshmallow en bouche. La noblesse, le mystère, le guttural du scandinave, ou norvégien ou suédois, m'ont manqué.